mardi, 2 juillet 2024
DiasporadzEntretienAlain Policar : « La tentation de l’alliance droite extrême droite n’est pas nouvelle »

Alain Policar : « La tentation de l’alliance droite extrême droite n’est pas nouvelle »

Le sociologue et politologue français Alain Policar assure, dans cet entretien accordé à Diasporadz, que «la tentation de l’alliance de la droite avec l’extrême droite n’est pas nouvelle», mais a « toujours été minoritaire ».

Pour l’universitaire Alain Policar, l’extrême droite cherche une alliance à droite «pour rendre son message crédible». Ce qui «explique le refus du RN de l’alliance avec Reconquête, plus extrémiste que lui», fait-il remarquer. Entretien

Entretien réalisé Par Kamel Lakhdar Chaouche

Diasporadz : Comment peut-on expliquer le résultat des élections européennes ? Les Français sont-ils devenus vraiment d’extrême droite ? Que se passet-il ?  

Alain Policar : Ces résultats étaient attendus, tous les sondages allaient dans le même sens. La responsabilité en incombe aux gouvernants, quelle que soit leur couleur politique, qui ont, avec une constance désespérante, multiplié les mesures inégalitaires, déconsidéré la Fonction publique, méprisé le savoir et réduit les budgets consacrés à la recherche. Mécontentement justifié des plus défavorisés, mépris des élites, mouvements sociaux répétés, l’autorité de l’État est partout contestée.

A ce fond de marasme social s’ajoute la forte méfiance vis-à-vis de ceux qui viennent d’ailleurs, de telle façon que les racismes se trouvent légitimés. Tout cela explique un vote d’extrême droite désormais assumé.

Bien entendu, le succès de l’extrême droite est aussi la conséquence de la profonde désunion de la gauche.

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Que pensez-vous d’un parti de droite, Les Républicains, qui se revendique gaulliste mais rejoint l’extrême droite, laquelle ne cache pas sa sympathie pour le Maréchal Pétain ?

La tentation de l’alliance de la droite avec l’extrême droite n’est pas nouvelle. Mais elle a toujours été minoritaire, Jacques Chirac ayant été très clair à ce sujet. Il semblerait que le refus de l’alliance se confirme, Eric Ciotti ayant été largement désavoué. Il est fort probable qu’il perde la présidence du parti (entretien réalisé le 12 juin, ndlr).

Il va de soi que l’intérêt de l’extrême droite pour une alliance est très grand : cela permettrait de rendre son message plus crédible. C’est d’ailleurs cette recherche de crédibilité gouvernementale qui explique le refus du RN de l’alliance avec Reconquête, plus extrémiste que lui (et dont le message passe moins bien dans les classes populaires).

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Quelle analyse faites-vous de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Macron et sa décision de s’impliquer dans les futures élections législatives ?

Sans entrer dans des considérations psychologiques sur la personnalité d’E. Macron, la seule justification cohérente, si l’on excepte l’idée d’une victoire, plus qu’improbable de sa majorité, est de pousser le RN à la faute en l’obligeant à gouverner. Il espère un échec flagrant du Premier ministre qui serait nommé, sans doute J. Bardella, de façon à savonner la planche de M. Le Pen en 2027. Sans doute aussi, croit-il que les Français ne veulent pas réellement du RN et que ce parti n’obtiendra pas une majorité suffisante pour gouverner.

Sur ces deux aspects, rien n’est moins sûr : il y a d’une part, un vrai désir de donner sa chance à l’extrême droite et, d’autre part, sauf sursaut de la gauche, il n’est pas du tout impossible que le RN soit majoritaire en sièges, au moins relativement, comme l’est l’actuelle majorité, et puisse donc gouverner.

Pensez-vous que ceux qui appellent à l’émergence d’un Front populaire puissent réussir leur pari et faire barrage au Rassemblement national ?

C’est une question à laquelle je ne peux répondre pour l’instant. Les conditions du succès (il faudrait d’ailleurs définir ce que serait, en l’espèce, un succès) sont suspendues à la confirmation de l’accord, il reste de fortes tensions, et, surtout, à la réalisation d’un véritable programme de gouvernement. Et même si ces deux conditions sont remplies, il faudra encore que ce programme soit, pour les classes populaires, aussi attractif que celui du RN. C’est une tâche difficile car la gauche, sauf à perdre son âme, ne peut proposer de solutions simplistes, comme le recul de l’immigration, lequel est une mesure aussi indigne qu’irréaliste.

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La droite française n’est-elle pas en train d’exploser : voir une partie de ses cadres se mettre du côté de l’extrême droite alors qu’une autre partie refuse cette alliance et la dénonce ?

J’ai déjà donné quelques éléments de réponse plus haut. Pour l’instant, même si le Front républicain semble bien avoir vécu (la droite ne veut pas faire barrage avec LFI), la plupart des personnalités importantes de la droite refusent l’alliance.

Il faudra néanmoins vérifier la force du refus dans la vie de l’Assemblée nationale si le RN est majoritaire. Il y a fort à parier que nombre de députés LR trouveront certaines propositions de loi parfaitement raisonnables. Il flotte un air mauvais, peut-être bientôt irrespirable, sur la France.

K. L. C.

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