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Atmane Mazouz (RCD) : « Toutes les conditions sont réunies pour la fraude » à la présidentielle

Atmane Mazouz (RCD) : Abdelmadjid Tebboune « n’est pas président de la République »

Atmane Mazouz, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Photo DR


Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Atmane Mazouz, estime que « les conditions sont réunies pour la fraude » à la présidentielle et livre, à Diasporadz, un bilan sans concession du mandat du président sortant Abdelmadjid Tebboune. Entretien

Entretien réalisé par Kamel Lakhdar-Chaouche

Diasporadz : Comment considérez-vous la prochaine présidentielle : anticipée ou avancée ?

Mazouz Atmane : La principale question à poser est le pourquoi du chamboulement de l’agenda électoral. L’anticipation ou l’avancement de l’élection présidentielle ne peut être interprété que comme une situation de crise profonde au sommet du système qui signe l’échec du coup de force de décembre 2019.

Je me suis déjà exprimé sur les motivations profondes de cette décision. Nous avions la conviction que le climat général n’était pas et n’est pas à la préparation sereine de la prochaine présidentielle. Cette célérité à changer l’agenda électoral que fixe la Constitution elle-même rend compte de l’ampleur de cette crise.

Cette annonce est d’autant plus problématique qu’aucune force politique n’est officiellement associée ou consultée à cet effet. Consulter et échanger avec les acteurs politiques auraient pu aider à l’ouverture d’un dialogue constructif pour instaurer des conditions normales d’exercice de la politique et donner suite aux revendications de l’opposition (libération des détenus d’opinion, ouverture des champs politique et médiatique).

Ces mesures d’apaisement peuvent mobiliser les Algériens à exprimer leur choix en toute transparence. Mais il semble, à travers cette décision, que les préoccupations du pouvoir sont autres.

Cela suscite légitimement des interrogations et inquiétudes. Sans présager des développements à venir, cette façon de faire en occultant ostentatoirement les attentes de la majorité de la population et la complexité de la situation du pays cache, en vrai, un coup de force pour un énième hold-up contre la volonté populaire.

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Quel bilan faites-vous du mandat du Président sortant M. Abdelmadjid Tebboune ?

D’abord, et comme je l’ai souligné dans ma réponse à votre première question, l’annonce de ne pas aller au bout de ce mandat signe l’échec. Pour le reste, de mémoire, je n’ai pas vu une gouvernance aussi problématique, incohérente et surtout qui a confisqué toutes les libertés.

Le nombre de personnes qui ont eu des démêlés avec la justice pour avoir exprimé une opinion ou le nombre de ceux qui demeurent encore en prison pour le même délit se passe de tout commentaire.

Au demeurant, comment peut-on qualifier un pays qui vit une instabilité rampante à tous les niveaux et en proie à des pénuries récurrentes, un chômage endémique, une détérioration des services sociaux, un pouvoir d’achat réduit comme peau de chagrin et une collection d’échecs sur le plan diplomatique. Comme quoi il y a pire que négatif.

Quelles sont les attentes et les aspirations des Algériens ?

Les attentes des Algériens sont clairement exprimées par des millions de citoyennes et citoyens qui se sont mobilisées dans le mouvement de février 2019 pacifiquement et sans interruption même au delà du coup de force de décembre 2019. Ils veulent en priorité vivre libres et dans un État de droit.

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Aujourd’hui, nos jeunes, par milliers, fuient au péril de leurs vies à la recherche d’un avenir que nos gouvernants ne peuvent leur offrir. Nous considérons que la priorité est dans une gouvernance transparente et démocratique.

Beaucoup d’Algériens aspirent à la stabilité socio-économique, à de meilleures opportunités d’emploi, à des services de santé et d’éducation de qualité. Tout ceci ne peut se réaliser avec un pouvoir qui a érigé la répression, la fraude et la corruption comme mode de gouvernance. Les Algériens savent que seules des institutions démocratiques et légitimes peuvent rendre espoir.

Que peut un Président de la République en Algérie ?

Pour nous, l’actuel locataire d’El Mouradia est le chef de l’État. Il n’est pas président de la République du moment qu’il a été désigné. Il ne jouit d’aucune légitimité.

Nonobstant cela, il peut faire beaucoup de choses pour sortir le pays de l’impasse. La première est de respecter la Constitution et d’en être le garant. Prendre des mesures d’apaisement sur le plan des libertés et sur le plan social et s’adresser au peuple pour ouvrir un débat qui débouche sur un processus consensuel pour un retour graduel à la souveraineté populaire.

L’Algérie a des potentialités et richesses naturelles importantes, un potentiel humain qui ne demande qu’à se mettre au travail et une importante diaspora qui recèle des compétences et attachée au pays. Nous avons un pays-continent où tout est à construire pour peu que la volonté politique et la transparence règnent.

Nous savons que notre pays est très mal gouverné et qu’une magistrature diminuée de légitimité et embrigadée dans les luttes claniques ne peut susciter confiance et force pour venir à bout de la crise profonde que traverse notre pays.

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Vous dites que, pour vous, M. Abdelmadjid Tebboune « est le chef de l’État » mais qu’ « il n’est pas Président de la République ». Comment ça ?

C’est une tautologie. Dans une République, c’est le peuple qui est souverain, c’est lui seul qui peut donner mandat, en particuliers au plus haut sommet de l’Etat. L’actuel locataire du palais présidentiel est issu d’un coup de force conduit par l’ancien chef de l’état-major.

La farce électorale du 12/12/2019, destinée à l’introniser, s’est jouée sans le corps électoral (moins de 7% officiellement). C’est un président de fait. Pour nous, il n’est pas président de la République mais un simple chef de l’Etat.

Pensez-vous que les conditions sont réunies pour la tenue d’une élection présidentielle ouverte ?

Toutes les conditions sont plutôt réunies pour la fraude en amont et en aval pour imposer le candidat qui aura les faveurs du collège décideur afin d’imposer le prochain suzerain. Une élection libre et ouverte suppose l’ouverture des espaces d’expression, des médias publics et la levée des entraves à l’organisation de la société.

Aujourd’hui, à cette panoplie de fermeture, il faut rajouter un climat de terreur et de répression qui pèse encore contre toute voix discordante. Avec un tel arsenal, au mieux, le saut vers une autre mandature de statuquo.

Que pensez-vous de l’idée d’un candidat unique de l’opposition démocratique ?

Le RCD avait longuement œuvré pour réunir les conditions du regroupement des forces démocratiques et la construction d’un rapport de force en faveur du changement. L’idée d’un candidat fédérateur est inséparable d’un programme qui fait la transition vers l’alternative démocratique qui suppose le retour à la souveraineté populaire.

Pour le reste, les partis ont des programmes différents et c’est dans la nature des choses. Aujourd’hui, le terrain est tout autre : c’est l’autre échec d’une gouvernance qui a renforcé les réflexes de division, de la pensée unique, de l’allégeance aux décideurs et du clientélisme.

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Quelles seront vos conditions pour prendre part à une campagne pour un candidat unique de l’opposition démocratique ?

J’ai déjà répondu. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. A supposer que les conditions d’exercice de la politique soient réunies, il faut d’abord concevoir un programme commun.

On ne peut pas donner un chèque à blanc à quelqu’un. Le programme commun ne peut être qu’un mandat pour un retour graduel à la souveraineté populaire à travers un processus de transition.

Ne pensez-vous pas que la crise est tellement profonde et multidimensionnelle qu’elle exige un processus constituant pour rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions ?

C’est ce que j’ai développé en répondant à la question précédente. Mais cela demande volonté politique et dialogue pour dégager des mesures et un agenda en toute transparence.

Pour les détails de ce processus, je vous renvoie à la proposition de sortie de crise que nous avons rendue publique le 27 mars 2019.

Plus directement, que pense le RCD de la lettre ouverte d’Essaïd Mougari adressée au FFS et à l’opposition démocratique algérienne publiée dans Diasporadz ?

En premier lieu, je ne veux pas commenter les observations d’un ancien cadre de ce parti sur les évolutions internes qu’il note. Sur le fond de sa proposition, je vous rappelle que nous avons travaillé pendant deux années dans le cadre du PAD (Pacte de l’alternative démocratique, ndlr) avec notamment, le FFS, le PT, le PST, le MDS et plusieurs personnalités de l’opposition.

Les textes du PAD, au demeurant nombreux, prônent une sortie de crise à travers une transition qui pilote un processus constituant, ce qui signifie que l’élection d’une Assemblée doit être encadrée par un processus de décisions (prises en commun) en amont pour éviter d’éventuelles dérives (totalitaires, idéologiques…).

Notre pays a la taille d’un continent et d’une diversité qu’il faut sauvegarder son unité et la nécessité de pouvoirs locaux forts sont pour nous des impératifs aussi importants que la démocratie et l’indépendance de la justice.

Le RCD reste attaché à la démarche du PAD et nous avons tenté de le relancer sans pouvoir créer une véritable dynamique pour le moment. Vous savez comme moi que la période de reflux après le coup de force du 12/12/2019 et les lois répressives édictées lors de la période de la Covid 19 ont compliqué ce travail. Le FFS s’est officiellement retiré de ce cadre après son dernier congrès.

K. L. C.

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