Le football, autrefois source de fierté et d’unité nationale en Algérie, traverse une crise profonde, faisant du redressement une urgence vitale.
Ce sport, censé incarner les valeurs de dépassement de soi et de cohésion sociale, est aujourd’hui gangrené par des pratiques toxiques, des violences récurrentes et une gestion défaillante. Les exemples récents sont nombreux et témoignent d’une dérive alarmante qui menace l’avenir de cette discipline.
Une instabilité chronique au sommet
La Ligue 1, qui se veut professionnelle, enchaîne les crises. En moins d’une phase aller, 12 entraîneurs ont déjà quitté leurs postes, victimes de pressions insoutenables et d’un climat hostile. Parmi eux, Abdelhak Benchikha, entraîneur de renom qui n’est plus à présenter, a pris la décision de démissionner malgré un parcours honorable à la tête de la JS Kabylie.
Cette démission, certes intervenue de manière peu professionnelle mais compréhensible au regard des circonstances, a été annoncée après un match contre l’ES Guelma, pourtant remporté avec brio.
Benchikha a déclaré avoir subi « des insultes et même un crachat » de la part d’une poignée de pseudo-supporters. Bien que cet acte soit considéré comme isolé par tous, ces individus, qui sont à des années-lumière des valeurs authentiques du club kabyle, ont tenté de ternir l’image d’une institution qui incarnait jadis l’élégance et l’esprit sportif.
A l’instar de Benchikha, Abdelkrim Bira, directeur général et porte-parole du grand ES Sétif, a également dû jeter l’éponge après avoir reçu des menaces répétées visant non seulement sa personne, mais aussi sa famille. Ces départs illustrent une réalité amère : les acteurs intègres du football algérien sont poussés à la sortie par un climat de défiance et de violence généralisée.
Une spirale de violence et de corruption
Depuis l’instauration du professionnalisme, une caste de personnes sans projet sportif réel ni compétences en la matière a progressivement pris le contrôle des clubs, privilégiant l’enrichissement personnel au détriment du développement du sport.
Cette situation a plongé ces clubs dans un endettement vertigineux. Leur mode opératoire, digne de celui de la « Cosa Nostra« , repose sur les menaces physiques, les actes de violence et les campagnes de dénigrement menées sur les réseaux sociaux. Des pages anonymes ciblent systématiquement les entraîneurs, dirigeants et projets porteurs d’espoir, les contraignant au silence ou à céder au chantage financier.
L’objectif est clair : prendre le contrôle des ressources financières des clubs, souvent au mépris de toute éthique sportive. Cet environnement toxique, dominé par l’intimidation et l’avidité, étouffe toute dynamique de progrès et continue de ternir l’image du football algérien, jadis source de fierté nationale.
L’urgence d’un sursaut collectif
Malgré les moyens financiers colossaux injectés par les grandes sociétés nationales devenues propriétaires des clubs, les résultats sportifs peinent à convaincre. La gestion amateur, l’impunité des comportements violents et l’influence néfaste de groupes d’intérêts ont plongé le sport dans une spirale infernale.
Heureusement, l’équipe nationale, majoritairement composée de joueurs formés à l’étranger, reste l’arbre qui cache la forêt et continue à procurer de la joie à un peuple passionné de football.
Face à cette situation, l’État ne peut plus se contenter d’être spectateur. Il est essentiel d’encadrer les réseaux sociaux en identifiant et en sanctionnant les responsables des campagnes de déstabilisation, tout en œuvrant à responsabiliser les supporters pour qu’ils retrouvent leur rôle de gardiens des valeurs sportives.
Parallèlement, il devient impératif d’imposer une gouvernance exemplaire, où la transparence, la rigueur et l’intérêt collectif devraient primer sur les ambitions personnelles.
Walid Sadi, tout nouveau ministre des Sports et président de la Fédération algérienne de football, a promis une réforme en profondeur pour restaurer un véritable professionnalisme. Ces réformes sont une lueur d’espoir, mais elles devront être menées avec rigueur et détermination sans faille.
Redonner au football sa grandeur
Laisser perdurer cet état de chaos, c’est condamner le football algérien à l’agonie. Si les bonnes volontés et les compétences, riches de leur expérience et de leur dévouement, sont écartées, quel avenir restera-t-il pour les jeunes talents ?
Le sport, et particulièrement le football, doit redevenir un espace de respect, de dépassement de soi et de solidarité. L’État a aujourd’hui la responsabilité de faire respecter les règles du jeu et de redonner au football algérien la place qui lui revient : celle d’un modèle d’excellence et de fierté nationale.
Hamid Banoune