Si je devais résumer en une phrase ce que je pense de Méziane Benarab après avoir lu son livre, « Du quartier à la Légion d’honneur », je dirais que c’est un homme qui a des valeurs et qu’il a lui-même une grande valeur.
« Du quartier à la Légion d’honneur » de Méziane Benarab est une autobiographie publiée chez L’Harmattan. Il nous raconte sa vie professionnelle et citoyenne : sa jeunesse en Algérie, son pays natal, jusqu’à la fin du service militaire et, puis son parcours en France. Comme pour beaucoup d’immigrés, les débuts furent durs. Mais ses qualités lui feront connaître des circonstances plus favorables.
L’auteur restera entre les deux rives. Il fera sa carrière en France et en Europe, mais, au moins à deux reprises, il s’en est fallu de peu qu’il retourne en Algérie pour s’y installer peut-être pour longtemps, quand il eut un poste de maître de conférences à l’université de Tizi-Ouzou (poste qui ne lui fut pas attribué finalement d’une façon injuste) et lorsqu’il exerça dans le domaine de l’audiovisuel avec un projet reconnu, mais qui avorta à la suite de l’assassinat du président Boudiaf. Plus tard, il créera une entreprise en Algérie, dans des conditions difficiles en raison du contexte politique, de l’inertie et de la corruption ambiantes.
Méziane Benarab est un homme dynamique, efficace, tenace, engagé.
C’est un humaniste, attentif aux autres, surtout lorsqu’ils sont dans la souffrance, d’où un énorme travail pour aider les familles en deuil. D’où aussi des actions auprès des jeunes des quartiers par le biais des tournois de football, engageant la société des membres de la Légion d’honneur.
La succession des projets, des activités, des divers métiers donne le tournis tellement ils sont nombreux, de haut niveau, touchant à des domaines variés comme le droit européen, les multimédias, l’enseignement, la charte du respect de la personne endeuillée, le transport aérien, le milieu associatif, la politique …
Méziane Benarab nous raconte des échecs et des déceptions, mais, plus souvent de grandes réussites. Il déroule ainsi un parcours très riche, reconnu par l’attribution de la plus prestigieuse décoration française : la Légion d’honneur. Pour lui cependant, ce n’était pas une invitation à la facilité. Bien au contraire, ce fut le vecteur de nouveaux projets.
« La Légion d’honneur n’est pas une fin en soi et elle nous engage dans des responsabilités sociétales complémentaires de nos obligations mémorielles. »
Au milieu de toutes ces activités on retient le goût des autres, la volonté du vivre ensemble. Et chez lui ce n’était pas de la théorie, c’était des actions concrètes.
On sent aussi un homme qui a su s’adapter à son pays d’adoption tout en restant lié à ses origines : il aime passionnément la France qui lui a permis de se réaliser, de réussir sa vie. On ressent une sorte de nostalgie par rapport à son pays natal dans lequel il n’a pas complètement pu faire aboutir de beaux projets.
Méziane Benarab est un modèle d’intégration réussie, d’autant qu’il a su garder des liens avec l’Algérie.
Ce livre est un témoignage, l’auteur veut transmettre le message aux jeunes des quartiers : même si on ne fait pas partie des nantis, on peut arriver à obtenir une situation correcte. Il ne faut pas se décourager devant les difficultés, les échecs. Il faut y croire et travailler.
« Venu de si loin comme vos parents, je partage vos blessures qui ne doivent en aucun cas constituer un motif de contestation ou de révolte, mais de construction intime d’une rage de réussite. Les miennes m’ont forgé un caractère, une carapace protectrice contre tout défaitisme »
C’est une magnifique leçon d’espoir.
Il faut la diffuser le plus possible, mais il faut garder en tête que tout n’est pas gagné.
Parmi ceux qui commencent leur scolarité dans notre pays, qui peut penser que les chances sont égales entre les fils des bourgeois qui habitent dans les beaux arrondissements parisiens et les enfants des cités dont les parents parlent à peine le français ?
Les premiers accéderont aux meilleurs lycées, aux meilleures classes préparatoires et aux grandes écoles. Avant même la fin de leur scolarité, le réseau de relations familiales leur ouvrira un avenir que l’on peut qualifier de brillant. Certains reçoivent dès leur plus jeune âge les codes des portes de la réussite, d’autres sont mis dans des impasses dont ils n’arriveront que très difficilement à sortir.
Il sera toujours possible de trouver des exceptions, mais celles-ci ne feront que confirmer la règle qui fait que pour la majorité les dés sont jetés d’emblée, et que pour beaucoup, ils sont pipés dès le départ.
Il faut espérer que Méziane Benarab n’est pas l’arbre qui cache la forêt. Cet homme possède des qualités exceptionnelles qui lui ont permis d’être ce qu’il est devenu, mais celui qui n’a que des capacités moyennes, que peut-il obtenir ?
Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être admiratif devant son parcours et souhaiter que de nombreux jeunes suivent ses traces. Il fait partie de ces hommes qui éclairent le chemin et qui travaillent, sans relâche, pour l’avènement d’un monde meilleur.
Robert Mazziotta