jeudi, 4 juillet 2024
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Enfants morts par noyade aux Sablettes : situer les responsabilités

  • Autant d’enfants morts par noyade en même temps et sur une même plage, les Sablettes, comment est-ce possible et qui en est responsable ?

Cinq jeunes enfants, âgées de neuf à douze ans, ont tragiquement péri par noyade dans les eaux impitoyables de la promenade des Sablettes à Alger, annonçaient avec une infinie tristesse les services de la Protection civile en cette sombre soirée de samedi 11 mai 2024.

Autant d’enfants morts par noyade en même temps et sur une même plage, les Sablettes, comment est-ce possible et qui en est responsable ?

Le drame s’est abattu sur la plage, alors que la journée déclinait et que l’insouciance enfantine baignait encore l’atmosphère. Les secouristes de la Protection civile sont intervenus à 19h30, en une course désespérée contre la montre, pour tenter de sauver cinq enfants emportés par les flots traîtres.

Quatre d’entre eux, suspendus entre la vie et la mort, ont été transportés d’urgence à l’hôpital Mustapha Pacha, l’espoir vacillant comme une flamme vacillante dans le vent. Hélas, quatre de ces innocentes vies ont été arrachées à l’affection des leurs, tandis que deux autres luttaient encore dans l’étreinte froide des soins intensifs. Et comme si le destin n’avait pas assez frappé, le bilan s’alourdissait encore à 21h48, lorsque le corps sans vie d’une cinquième victime fut repêché des profondeurs par les plongeurs de la Protection civile.

Certains de ces enfants, issus de la commune d’Aïn Boucif, dans la région de Médéa, étaient scolarisés à l’école primaire Mohamedi Mohamed. D’autres venaient de la Wilaya de Bouira. Ils faisaient partie d’un groupe d’excursion, une sortie qui devait être empreinte de joie et de découvertes, et qui s’est transformée en une tragédie ineffable. Dans une autre note de douleur, trois enfants se sont noyés  également ce jour-là.

Ils ont été secourus à temps et transféré à l’hôpital Mustapha Pacha, où ils luttent désormais pour leur vie. Ainsi, en ce jour funeste, les rires enfantins se sont tus, emportés par les vagues, laissant derrière eux un chagrin incommensurable et une tristesse infinie dans les cœurs des proches et de toute la communauté algérienne en deuil. Ça ce sont les faits…

Qui est responsable ? Les accompagnateurs ? Les autorités académiques ou préfectorales qui n’ont pas sérieusement établi les règles des voyages avec les enfants et de leur surveillance ? Ou bien le pays tout entier, qui n’accorde pas à l’enfant la place qui lui revient, transportant ainsi les enfants dans des conditions peu rassurantes ?

L’Algérie ne peut pas se permettre de perdre cinq enfants en une soirée par noyade. La responsabilité, avant d’être individuelle, est générale et politique. Cinq enfants, pas un seul, mais cinq enfants morts en même temps, cela ne relève pas seulement de l’inconsistance des accompagnateurs, mais d’un état d’esprit général d’inconséquence qui conduit à ce genre de tragédie.

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Cinq enfants morts au même moment constituent une tragédie d’une gravité extrême. Cela met en lumière des manquements potentiels dans plusieurs domaines, notamment la sécurité, la surveillance et la prévention des accidents. Une telle tragédie nécessite une remise en question du haut responsable au plus petit accompagnateur incarcéré.

Cinq enfants morts simultanément au même endroit dénotent l’état de la situation d’un pays qui ne prend pas soin de ses enfants et de sa jeunesse. Cinq enfants morts appartenant à un groupe scolaire, emportés par la mer l’un après l’autre, en l’espace de quelques minutes, est une tragédie honteuse qui montre le chemin qui n’a pas été fait et qui reste à faire non seulement au niveau des règles et des infrastructures, mais aussi de la perception de la place de l’enfant dans la société.

De la responsabilité des accompagnateurs

Quand une tragédie comme la noyade d’enfants aux Sablettes survient, les cœurs se serrent et les âmes sombrent dans une profonde tristesse. La responsabilité des accompagnateurs se dresse alors telle une ombre pesante, scrutée par les regards inquisiteurs de la loi, de la morale et de la conscience professionnelle.

Ces gardiens de l’innocence, investis d’un devoir sacré, avaient pour mission de veiller sur les jeunes vies confiées à leur garde. Ce devoir exigeait une vigilance inébranlable, une attention jamais vacillante, surtout lors d’activités où le danger rôde, comme la baignade. Ils ont failli dans leur mission.

Cependant, des questions lancinantes persistent. Ces accompagnateurs respectaient-ils,  les normes de sécurité édictées par les autorités préfectorales et les institutions éducatives ? Quelles étaient ces normes ? Y avait-il des normes dûment établies et contrôlées ? Ces directives incluaient-elles des ratios spécifiques d’accompagnateurs par élève, des formations en premiers secours, et des équipements de sécurité adéquats ?

Si les ombres d’une enquête révèlent que les accompagnateurs ont failli à leur devoir de surveillance ou ont ignoré les protocoles de sécurité, ils pourraient être tenus légalement responsables pour négligence, et leurs âmes porteraient le poids insoutenable de cette tragédie.

Mais les questions qui se posent sont nombreuses. Ont-ils été formés pour affronter les situations d’urgence et la gestion d’enfants en déplacement ? Car, avant toute sortie, une évaluation rigoureuse des risques devait être effectuée, et des mesures de sécurité appropriées mises en place, telles un bouclier protecteur contre l’imprévisible. Cette démarche a-t-elle été respectée ?

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Une communication claire et efficace entre tous les accompagnateurs et les enfants est essentielle pour tisser un filet de sécurité invisible mais solide. Ont-ils été sensibilisés à la nécessité impérieuse d’assurer une supervision constante et appropriée, en particulier dans des environnements à haut risque comme les plans d’eau et la mer ?

Si certains accompagnateurs ont déjà été incarcérés, une enquête officielle se doit d’être diligentée pour établir toutes les responsabilités et identifier les failles dans l’organisation de ce genre de sortie scolaire. Cela nous conduit aussi et inévitablement à interroger la responsabilité politique. Où se trouve la ligne de partage entre le devoir individuel et les obligations institutionnelles dans la prévention de telles tragédies ?

Dans ce sombre chapitre, l’ombre de la culpabilité plane sur chacun, telle une nuée obscure, et la quête de justice devient une prière silencieuse pour les âmes tourmentées.

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De la responsabilité des autorités politiques

La question de la responsabilité des autorités politiques dans des tragédies telles que la noyade d’élèves est complexe et multidimensionnelle. Elle touche à des domaines aussi divers que la législation, la mise en œuvre des politiques de sécurité, et la supervision des institutions éducatives et des activités périscolaires, les conditions auxquelles sont soumises les associations pour organiser les excursions notamment lorsqu’il s’agit d’enfants.

Les autorités politiques, en tant que garantes du bien-être public, ont évidemment un rôle crucial à jouer dans l’établissement des normes de sécurité et dans la mise en place des infrastructures nécessaires pour protéger les citoyens, en particulier les enfants voyageant en groupe.

Elles sont responsables de la création et de l’application des lois et règlements qui régissent la sécurité des activités scolaires et périscolaires. Cela inclut la définition des ratios d’encadrement, la formation obligatoire en premiers secours, et la fourniture d’équipements de sécurité adaptés, l’habilitation des adultes à encadrer des sorties.

Alors, lorsque survient une tragédie, il est légitime de se demander si les autorités politiques ont rempli leurs obligations de manière adéquate. Ont-elles mis en place des politiques suffisamment strictes et claires pour prévenir de tels incidents ? Ont-elles assuré une formation adéquate des accompagnateurs et des enseignants ? Si une enquête révèle des lacunes dans ces domaines, les autorités politiques peuvent être considérées comme indirectement responsables.

Leur responsabilité morale et, dans certains cas, légale peut être engagée si l’on découvre que des mesures de sécurité essentielles n’ont pas été mises en œuvre ou que des avertissements ont été ignorés. En résumé, la responsabilité des autorités politiques dans ces tragédies doit être appréhendée en considérant les divers niveaux de responsabilité et les interactions entre les différents acteurs impliqués.

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La place et la valeur de l’enfant en Algérie

La valeur de l’enfant dans la société algérienne est-elle inestimable ?  L’enfant incarne-t-il vraiment un potentiel unique pour l’avenir, promettant d’être les futurs leaders, innovateurs, travailleurs et citoyens qui façonneront le monde de demain ?

En Algérie, les enfants possèdent-ils des droits inhérents, tels que définis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ? Ces droits sacrés incluent le droit à la vie, à l’éducation, à la santé, à la protection. Est-ce que ces enfants morts par noyade à la plage des Sablettes, rappellent-ils, au lendemain de leur disparation, l’importance de l’innocence qui incite l’adulte à être plus attentifs, bienveillants et responsables ? Est-ce que la société algérienne, perçoit que l’enfant d’aujourd’hui est l’adulte de demain ? Est-ce que la société algérienne, investit réellement et rationnellement dans l’éducation et le développement des enfants, pour s’assurer un avenir plus éclairé, compétent et prospère ?

La tragédie des Sablettes sème le doute sur l’attitude de l’Algérie à l’égard de l’enfant. Cette tragédie (ou toute autre tragédie impliquant des enfants) soulève profondément la question de la perception de l’enfant dans la société de plusieurs manières.

Tout d’abord, elle met en lumière la vulnérabilité des enfants, rappelant à quel point ils sont dépendants des adultes pour leur sécurité et leur bien-être. Cela peut susciter un sentiment d’urgence pour renforcer les mesures de protection et de soutien. Il ne suffit de louer un autocar pour faire visiter la capitale aux enfants. Il faut bien davantage.

De plus, cet événement tragique pousse, j’ose espérer, la société à s’interroger sur ses valeurs et ses priorités notamment sur les failles dans les systèmes de protection de l’enfance, l’éducation, la santé et la justice sociale, incitant à une réflexion profonde sur la protection des enfants. Un doute pèse sur le pays qui ne protège pas ses enfants.

La perte ou la souffrance d’enfants dans une tragédie comme celle-là, a également un impact émotionnel et psychologique profond sur la communauté nationale, renforçant l’empathie collective et le désir de créer un environnement plus sûr et plus bienveillant pour les jeunes.

Osons espérer, que la mort de cinq enfants devienne un catalyseur pour des changements et décisions  politiques appropriées, pour une mobilisation sincère afin de prévenir de futures tragédies, en adoptant de nouvelles lois, en renforçant les politiques de protection de l’enfance. Face à une telle situation, la société peut être amenée à redéfinir ses priorités, en mettant davantage l’accent sur le bien-être des enfants, en investissant dans les apprentissages comme la nation, la santé mentale de l’enfance et les infrastructures de soutien des familles pauvres.

Omar Hamourit

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