Dans cet entretien passionnant, Jean-Claude Gengembre, timbalier solo, compositeur et arrangeur, nous invite à plonger au cœur de son univers artistique.
Jean-Claude Gengembre nous parle avec passion de ses créations et de ses projets qui illustrent son engagement à rendre la musique accessible et à créer des expériences immersives pour tous.
Il évoque les rencontres qui ont jalonné son parcours artistique et souligne l’importance des synergies créatives, en mettant en avant des projets avec des musiciens, des chefs d’orchestre et des comédiens.
L’artiste exprime avec conviction sa volonté de transmettre sa passion pour la musique classique, notamment auprès des jeunes générations. Il insiste sur la nécessité d’innover pour toucher un public plus large et renouveler l’intérêt pour cette forme d’art intemporelle.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Diasporadz : Vous avez commencé votre formation musicale très jeune au Conservatoire de Lille et au CNSMDP. Quels souvenirs ou enseignements marquants gardez-vous de ces années formatrices ?
Jean-Claude Gengembre : J’ai eu beaucoup de chance d’intégrer le Conservatoire de Lille, puis le CNSMDP, issu d’une famille très modeste, nous n’avions pas d’argent, j’étais élève boursier, j’en suis vraiment reconnaissant.
Mon père m’a inscrit en premier lieu dans l’école de musique d’une petite ville que nous habitions, Bauvin, mon premier professeur, à qui je dois beaucoup, Guy Defer m’a présenté au bout d’un an d’études à un grand musicien André de Tollenaere, professeur au Conservatoire de Lille, pianiste, chef d’orchestre, ce maître de musique m’a beaucoup appris, soutenu, sans lui je ne serais pas musicien professionnel.
Je pourrais également citer Christian Bellegaerde, mon professeur d’écriture pendant 6 ans qui m’a motivé à écrire ma première pièce, Jacques Delécluse et Bernard De Crépy mes professeurs de percussion et harmonie au CNSMDP, ils ont été également sources d’inspiration, et se sont révélés d’un soutien précieux tout au long de mes études à Paris.
Jacques Delécluse, pianiste, percussionniste, compositeur, confectionnait lui-même ses baguettes de percussion, je n’avais pas d’argent pour en acheter, et un jour, il m’a offert un jeu de 4 baguettes de Marimba, elles m’ont accompagné une grande partie de ma carrière, je les ai encore chez moi, ce geste m’a énormément touché.
Diaporadz : En tant que percussionniste et compositeur, comment parvenez-vous à concilier la performance musicale et la création artistique dans votre carrière ?
Jean-Claude Gengembre : Quand je ne joue pas je compose et vice versa. Il y a des périodes très chargées (rires). Ce serait difficile pour moi de choisir entre l’un ou l’autre, ils sont complémentaires, et sont tous deux mes moyens d’expression musicale. Ecrire de la musique enrichit mon jeu de percussionniste, c’est une aventure intérieure, une nécessité. Il y a eu de grandes périodes pendant lesquelles je n’ai pas composé faute de temps, je ressentais un manque. J’essaye aujourd’hui d’équilibrer mes activités de compositeur et interprète en fonction des différentes commandes de partitions. Il m’arrive de refuser des engagements de concerts pour avoir plus de temps à consacrer à la composition.
Diaporadz : Votre projet innovant Bizet VS Gengembre propose une relecture des œuvres classiques de Bizet. Qu’est-ce qui vous a inspiré pour mêler recomposition et improvisation ?
Jean-Claude Gengembre : La musique de Georges Bizet m’a beaucoup inspirée, mais il ne s’agissait pas d’écrire des arrangements, plutôt de proposer une relecture, de partir de l’émotion suscitée par la musique du compositeur de Carmen pour explorer de nouveaux horizons. Pour certaines pièces, je n’ai utilisé que des bribes de thèmes, parfois c’était juste un clin d’œil, une atmosphère, des couleurs qui font penser à… Travailler un matériau, le développer, créer une forme font partie du travail d’un compositeur, j’ai utilisé les principes d’imitation en musique, telles les imitations en miroir, certaines pièces sont des compositions totalement originales où j’ai juste conservé le plan structurel d’œuvres connues du maître.
J’ai cherché à créer un lien entre toutes les pièces, et, quoi de mieux qu’une histoire dont les péripéties du personnage principal seraient ponctuées, illustrées par de la musique ?
Ainsi est né le personnage de Serge Zibet ! Zibet est l’anagramme de Bizet, Serge est le prénom de mon père et Georges son 2e prénom, je suis né exactement 100 ans après la mort de Bizet, et, « Carmen » était lʼOpéra préféré de ma grand-mère maternelle.
Avec le plus grand respect pour les œuvres que j’ai citées dans mon travail, je me suis beaucoup amusé avec ces jeux de miroir, j’aime beaucoup l’humour en musique, j’ai parfois grossi le « trait » de certains thèmes pour en dégager un caractère « comique », et, j’ai redécouvert l’univers musical et poétique d’un compositeur génial qui a disparu trop tôt et qui aurait sans doute pu écrire encore tant de chefs d’œuvres.
Diaporadz : La percussion est souvent perçue comme un instrument d’accompagnement. Comment travaillez-vous pour lui donner une place centrale dans vos œuvres et dans la musique classique contemporaine ?
Jean-Claude Gengembre : Depuis les années 1970, la percussion et le répertoire pour percussion solo n’ont cessé d’évoluer, la place de la percussion dans les œuvres contemporaines est assez importante. J’ai beaucoup écrit pour ensemble de percussions et percussion solo, j’essaye depuis quelques années de me tourner davantage vers les instruments à vent et à cordes, ou vers l’orchestre symphonique. J’ai composé cette année mon premier conte musical « La grenouille à grande bouche » celui-ci est d’ailleurs disponible en podcast sur le site de France Musique.
Diaporadz : Vous avez enseigné et donné des master classe à travers le monde. Quel aspect de la pédagogie vous passionne le plus et comment transmettez-vous votre amour de la percussion à vos élèves ?
Jean-Claude Gengembre : C’est le partage qui m’intéresse le plus, les élèves m’apprennent souvent plus que je ne leur apporte moi-même. Passer un bon moment ensemble, faire de la musique, transmettre l’exigence, la valeur du travail dans la bienveillance et le respect de chacun, ce sont des valeurs que j’affectionne particulièrement, découvrir de nouvelles cultures, une autre manière d’appréhender la percussion et la musique en général, même s’il a ses contraintes et réclame beaucoup de sacrifices, le métier de musicien est magnifique, il permet de s’enrichir tout au long de sa carrière.
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Diaporadz : Quelles connexions et passerelles existe-t-il entre la percussion classique et celle des musiques du monde ?
Jean-Claude Gengembre : Aujourd’hui tout est accessible en un clic, mais le véritable apprentissage, l’échange, les connexions se font selon moi dans la vraie vie, il faut sortir, aller « à la rencontre de… », aller au spectacle, au concert, faire connaissance, tous les musiciens s’inspirent les uns des autres, les discussions « de visu » aident beaucoup.
Énormément de compositeurs ont fait le lien entre les musiques du monde, traditionnelles, et la musique dite « classique », j’essaye pour ma part autant que possible d’écouter la musique traditionnelle des pays que je visite et/où je fais des concerts, master classe, la percussion et le chant sont présents dans toutes les civilisations depuis des millénaires, les passerelles se créent…
Je me souviens d’un merveilleux échange avec un joueur de Duduk (instrument traditionnel arménien) nous étions réunis par un compositeur, Dominique Vasseur, qui avait écrit une pièce pour Duduk et Marimba, c’était un merveilleux moment musical et humain.
Diaporadz : Un dernier mot peut-être ?
Jean-Claude Gengembre : Je vous remercie Brahim pour cette interview, je ne connaissais pas Diasporadz, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire notamment votre interview d’Aziz Cheboub, j’aime beaucoup la littérature, elle est une grande source d’inspiration pour mes compositions. Je vais d’ailleurs me procurer « Utopie et Dystopie » son étude sur 2 textes d’auteurs que j’aime beaucoup : MichelHouellebecq et Boualem Sansal. Cela aiguise ma curiosité.
Entretien réalisé par Brahim Saci