dimanche, 30 juin 2024
DiasporadzPolitiqueLe RN veut interdire des "emplois sensibles" aux binationaux

Le RN veut interdire des « emplois sensibles » aux binationaux

Le Rassemblement national (RN) souhaite « empêcher » les binationaux d’occuper « des emplois extrêmement sensibles » dont la liste sera définie « par décret », a annoncé ce lundi 24 juin le député Sébastien Chenu.

Pour le Rassemblement national (RN), l’interdiction pour les binationaux concernera « des emplois extrêmement sensibles, par exemple des gens qui soient binationaux russes pour occuper des postes de direction stratégique dans la défense », a expliqué le député sur TF1, sans donner davantage de détails.

Cette mesure passera par « une loi organique et un décret pour empêcher les ingérences » car il s’agit de « se protéger », dans les « secteurs sensibles », a encore insisté Sébastien Chenu.

Interrogé sur cette proposition, le chef de file du RN pour les législatives, Jordan Bardella, a répondu : « Je vous confirme que les postes les plus stratégiques de l’Etat seront réservés aux citoyens français et aux nationaux français ».

« Nous n’entendons pas remettre en cause la double nationalité (…). En revanche, nous entendons effectivement réserver un certain nombre d’emplois stratégiques dans les secteurs notamment liés à la sécurité et à la défense exclusivement à des citoyens français », a-t-il ajouté, notant que cela concerne « très très peu de personnes ».

La mesure passera par « une loi organique et un décret pour empêcher les ingérences » car il s’agit de « se protéger », dans les « secteurs sensibles », a insisté Sébastien Chenu.

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Il faut souligner que l’accès aux « emplois extrêmement sensibles » est soumis en France, comme partout ailleurs dans le monde, à des enquêtes d’habilitation menées par des services spécialisés, portant sur l’honnêteté, l’intégrité morale et la loyauté des postulants.

Exclure de ces emplois jugés « sensibles » des « Français d’origine étrangère », c’est postuler a priori qu’il y aurait des citoyens français plus « français » que d’autres. C’est surtout douter de la loyauté de certains Français envers leur propre pays, la France, en raison de leur origine étrangère.

La proposition du RN recycle un vieux préjugé raciste qui avait déjà éclaboussé la Troisième République française. Une mesure qui rappelle la tristement célèbre affaire Dreyfus, condamné pour trahison plus en raison de son origine juive alsacienne que sur des faits avérés. Une condamnation qui révélait au grand jour l’antisémitisme et le racisme qui rongeaient la France.

Le Rassemblement national suggère explicitement que les binationaux sont de fait plus fidèles à leur pays d’origine qu’à la France et qu’il faut les exclure de prime abord d’un « certain nombre d’emplois stratégiques ».

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« Il sera moins facile d’être français » 

Sébastien Chenu a tenu tout de même à nuancer ses propos. « Nous, ce que nous jugeons, c’est la nationalité : vous êtes français ou vous n’êtes pas français. Lorsque vous êtes français, vous avez les mêmes droits que n’importe quel Français, y compris lorsque vous avez été français par naturalisation dans le passé », a-t-il ajouté, rappelant qu’en cas de victoire du parti d’extrême droite aux législatives anticipées, « il sera probablement moins facile d’être français ».

Il a en outre répété que pour le reste, les personnes ayant la double nationalité disposeraient des mêmes droits que les autres, contrairement à ce que proposait le RN en 2022. « Quand vous êtes franco-ceci ou franco-cela, vous êtes Français et vous avez évidemment les mêmes droits que n’importe quel Français », a-t-il précisé.

A l’heure actuelle, la binationalité n’empêche pas l’accès aux emplois de la Fonction publique. Certains métiers, dits « de souveraineté » car liés aux fonctions régaliennes de l’Etat (défense, budget, sécurité, diplomatie), sont réservés aux Français, qu’ils soient en théorie détenteurs ou non d’une seconde nationalité. La décision de classer un poste parmi les emplois de souveraineté est laissée à l’appréciation de l’employeur, le plus souvent un ministère.

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Pour le reste, les ressortissants européens peuvent passer des concours et devenir fonctionnaires. Les étrangers non européens peuvent aussi être recrutés dans la Fonction publique, mais uniquement en qualité de contractuels, un statut moins protecteur que celui de fonctionnaire.

Dans le privé, il n’existe pas de restriction pour les binationaux, selon des experts en droit du travail interrogés par l’AFP. Ceci « en vertu du principe d’interdiction de toute discrimination à l’embauche posé par l’article L1132-1 du code du travail », explique Me Eric Rocheblave, avocat spécialiste du droit du travail.

Dans les faits, même pour les emplois ordinaires, beaucoup d’observateurs relèvent la discrimination à l’embauche en fonction des origines des postulants. Selon une étude de SOS Racisme, révélée en mars dernier, « 61% des agences d’intérim testées ont adopté un comportement problématique ».

« De nombreuses études menées par des chercheurs ou par SOS Racisme à travers la méthode du testing que nous avons importée et popularisée en France attestent la difficulté pour les populations d’origine maghrébine, d’origine subsaharienne ou venues des départements d’Outre-mer de trouver un emploi, comparativement aux personnes considérées comme étant françaises de lointaine ascendance », déclarait le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, le 9 avril dernier, à Diasporadz.

Saïd A./AFP

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