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Le statut d’écrivain en question : l’éloquent subterfuge

Quand le sécuritaire humilie l’encre

« Le ressentiment est fondamentalement antidémocratique car il ne peut ni discuter ni faire de compromis, ni même accorder une place dans son programme revendicateur au ressentiment des autres.1 » Marc Angenot

La notion d’idéologie a subi diverses opérations de définition. Perçu comme un terme clé de la pensée de Marx, les militants de gauche en deviennent les grands usagers. L’idéologie est une modalité particulière, voire singulière, de perception du Réel.

De l’extrême droite à l’extrême gauche, il y a des canaux où sont fabriqués les courants dont l’architecture et le contenu relèvent des fonctions des officines politiques et des médias.

Si les anarchistes veulent la disparition de l’Etat, l’extrême droite veut la privatisation de l’Etat ; ce qui signifie que l’Etat dérange tous les courants politiques. Le regard jeté sur la notion d’Etat révèle le degré de résistance à la discipline sectaire et militariste.

Mimouni est allé se joindre aux militants sans s’inscrire dans une quelconque option partisane. Les textes de Mimouni étaient (ils le sont toujours) dans la dissidence. Pour lui, écrire est une tâche politisante du pathos… collectif. Ni victimaire, ni ressentiment, Mimouni se propose comme la matrice d’une écriture qui fascine non pas par ses positions dogmatiques, mais par son esthétique éthique. 

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D’abord, cessons de prendre les idéologues comme des gourous, alors que leur rôle est de fabriquer des matrices de conceptualisation des états psychiques et intellectuels du peuple. Le rôle de l’idéologie, c’est donner un sens singulier et particulier du Réel.

S’il y a des idéologues gauchistes, c’est qu’il y a possibilité que l’ordre ambiant interdise le retour de la horde originaire. Il faut effacer toute sorte de violence qui menace la Cité. L’idéologue est un constructeur de phases dialectiques capables de redresser la vie des gens dans la Cité.

Il faut éviter le piège par lequel les politiques (embourgeoisés) exercent leurs fonctions sociales. Ecrire n’est pas de l’ordre de l’intentionnel. Quand Mammeri publiait La Traversée, il restait dans l’ordre d’une esthétique tyrannique au détriment d’une éthique dont les contours aussi bien textuels que contextuels ne sont pas mis sous la lumière.

Ensuite, l’idéologie est une forme de subjectivation légitime du Réel. Celui-ci n’est pas une éthique propre, parce qu’il demeure à l’appréciation des percepteurs de quelque origine qu’ils soient. La subjectivité n’est pas une tare : il s’agit juste de laisser l’humain découvrir dans son substrat psychique (là il s’agit d’un dérapage vers la droite qui a le réflexe d’essentialiser) la morale qui sied à ses aspirations.

La libération des esprits n’est pas l’espoir de tout sujet national. Quand un parent oblige sa fille à opter pour tel ou tel autre choix, c’est qu’il asservit un esprit qui est à la disposition de l’humanité. L’écrivain est censé exercer un Verbe polysémique qui pourrait nous dire ce que ressent un individu sans marque identitaire persécutrice (bio-civile).

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Malek Ouary, dans Le grain dans la meule, il n’y a pas de décor socio-historique politique, il écrit pour « échapper à l’embrigadement idéologique ». Mais, il faut admettre le fait indéniable que Lacheraf n’a pas été un idéologue de la révolution. Il s’agit d’un essayiste qui, en maniant le Verbe avec brio, croit pouvoir prétendre à ce rôle majeur. Le terme-passoire de Lacheraf, c’est : « Cet écrivain est un  bourgeois. » Cela a des conséquences directes sur la perception de l’écrivain postindépendance par les appareils d’Etat.

En dernier lieu, le mythe de l’intellectuel engagé a été éradiqué par les écrivains qu’on voyait autrefois défendre des courants idéologiques binairement structurés, en chassant toute dialectique fort impérative.

Le fait d’instaurer des dualités et de les mettre face à face réduit à néant toute sorte de dialectique et d’évolution idéologique. Alors qu’il a pour but de produire des processus dramatisants, l’idéologie est devenue une tâche persécutrice et enlaidissante. Il faut voir les écrivains d’aujourd’hui qui tiennent à leur… autonomie, comme si interroger le Présent devient l’affaire du Verbe… poétique, voire existentiel.

Quand un écrivain dit ne pas aimer l’écriture militante, c’est s’interroger sur les écrivains algériens qui auraient été sous l’embrigadement idéologique (une sorte de Jdanov qui aurait embrigadé les Djaout, Mimouni, Mammeri, Dib, Djebar, Bourboune). Nous pensons que ces auteurs avaient produit de très belles œuvres et de très beaux textes où l’imaginaire ne se leurre pas de ce que pourraient dire les conservateurs et les militaristes.

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Les écrivains qui surgissent dans les années de sang et dans l’après cette guerre effroyable  nous rend compte de ce qu’est la fonction des écrivains dans la Cité. « Je ne défends personne, je ne suis pas écrivain-militant », ce sont les propos de ceux que la langue française a rendus sujets de débats abrités par Internet et par les plateaux de télévision. Entre Sartre qui percevait l’écriture comme acte engagé et Camus qui voulait réformer la littérature, il n’y a pas de contact. Le radicalisme est avant tout angélisant. Le terrain de la lutte détermine les élans de l’espoir théorique.

L’écrivain n’a, de tout temps et spécialement chez le nationalisme algérien, qu’un auxiliaire des forts, des dominants et des cadres de la révolution. Ils devraient, selon les militaristes suivre ce qui se trame dans les maquis. Il a fallu attendre des décennies pour qu’un film sur un militant civil soit réalisé après avoir été mis à l’écart à la suite de son contenu qui touche aux dogmes de la révolution.

Madi Abane (universitaire)

  1. Marc Angenot, Les idéologies du ressentiment, Montréal, XYZ éditeur, 1997, p.126.  ↩︎
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