jeudi, 21 novembre 2024
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Les noyés de l’encre

Le complexe du refus des révolutionnaires nationalistes aux hommes de lettres d’intervenir dans la décision politique est un élément partagé par toutes les tendances politiques, y compris progressistes.

L’écrivain dissident russe, Alexandre Soljenitsyne, écrit dans le compte rendu des interventions entendues lors de la réunion du secrétariat de l’Union des Ecrivains le 22 septembre 1967 ce qui suit : « …en général, la tâche de l’écrivain ne se borne pas à défendre ou à critiquer tel ou tel système de distribution du revenu social, à défendre ou à critiquer telle ou telle forme d’organisation étatique. La tâche de l’écrivain est de traiter des sujets plus universels et plus éternels : les mystères du cœur et de la conscience humaine, la rencontre de la vie et de la mort, le dépassement de la douleur spirituelle et les lois jaillies des profondeurs insondables des millénaires, qui accompagnent l’histoire de l’humanité et dureront jusqu’à ce que le soleil s’éteigne.1 » Mimouni en fut-il un ?  

Il s’avère que le complexe du refus des révolutionnaires nationalistes aux hommes de lettres d’intervenir dans la décision politique est un élément partagé par toutes les tendances politiques, y compris progressistes.

Il en est résulté un rejet du politique de la part des littéraires et une adhésion, de leur part, à l’activité culturelle par laquelle ils tentent de se positionner gentiment et élégamment. Mouloud Mammeri n’a-t-il pas subi les foudres de certains démagogues biberonnés au nationalisme chauvin et dont les prétentions intellectuelles leur ont fait croire qu’ils étaient des penseurs au génie surdimensionné ? Et pourtant…

Pourquoi tant de haine vis-à-vis des littéraires ?  

D’abord, l’expression littéraire dans son état d’alors était une sorte de discours et de pratiques réservés aux femmes non selon l’ordre occidental, mais selon la culture locale qui autorise les chants et les expressions festifs dans une territorialité névrotique (les genres n’agissent que par critère géo-symbolique flou).

Les fêtes étaient et sont des communions féminines, alors que le dîner est réservé aux hommes. Ce sont les hommes qui financent les fêtes avec tout ce que celles-ci exigent. Ces chants ne concernaient presque nullement les hommes. La poésie chantée pendant les fêtes et les complaintes funéraires émanent principalement des femmes. Cela nous montre bien comment la para-existence est réservée aux poètes, lesquels ne font qu’accompagner les « décideurs ».

Ensuite, la conscience militaire est, aux yeux des dirigeants, la seule à être autorisée à concevoir la vie de la Cité. Les civils sont, aux yeux des militaristes, censés obéir pour veiller à l’ordre et à la stabilité de la Cité. Les civils sont autorisés à user du verbe critique à tel point de les séparer des masses.

Certes, d’illustres écrivains portent des critiques acerbes au pouvoir, mais ils savent qu’ils n’atteignent que quelques centaines, sinon dizaines de lecteurs. Et les écrivains jouent le jeu. La thématique principale de nos écrivains c’est l’islamisme qui les a contaminés par le monolithisme, réflexe répréhensible dans les espaces de réflexion. La binarité fonctionne bien pour laisser la vie s’écouler dans les égouts de la droite.

En dernier lieu, les hommes de lettres savent que les personnels officiels n’ont aucune tendance pour la littérature. Cela renforce deux sentiments. Le premier, c’est la terreur instaurée par les faux clivages qui, plus est, traversant toutes les institutions arabophone/francophone, etc. Le second, c’est la conviction des écrivains que l’écrit « littéraire » ne pèse rien dans les sphères du pouvoir. Le mépris est une terreur passive. Un Président aurait lu Le Capital. Ahurissant ! Parler serait un parjure, pour ces addicts de l’action politique selon le modèle bourgeois opposant le peuple au pouvoir.

Faut-il poursuivre la lutte pour la réhabilitation des hommes de lettres en leur réservant un statut plus digne ? En les écoutant, il en sortira une opinion qui certes est défaillante, mais discutable et prête à être réformée, révisée, corrigée et perfectionnée. Or, la littérature reste quand même un moyen de dramatisation pour l’écriture du récit national. Et cela gêne fortement les forces dominantes ou, pour déraper vers le ridicule, onto-dominantes, en raison de notre incapacité à nous rendre les maîtres de notre destin.

Abane Madi   

  1. Alexandre Soljenitsyne, Les droits de l’écrivain suivi de Discours de Stockholm, Paris, Editions du Seuil, 1969, p 76-77.    ↩︎
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1 COMMENTAIRE

  1. Dans l’éventualité où il n’y aurait pas quelqu’un parmi eux qui agite une longue queue de haine envers les Kabyles.

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