Moussa Naït Amara revient sur l’idée de réforme des institutions de l’Etat et les questions économiques et sociales dans l’option de régionalisation. Contribution
La levée de la contrainte bureaucratique qui bloque sérieusement le passage de l’Algérie d’une économie rentière à une économie diversifiée peut devenir possible à travers une refondation nationale qui doit donner tout son sens politique au concept de l’État/régions
La régionalisation est une option politique et organisationnelle pionnière dans la mesure où elle institue la notion d’économie régionale comme mode de développement socio-économique local.
Cette économie régionale constitue le fer de lance de l’économie nationale, tout autant que le développement socio-économique et humain dans le pays. Force est de constater que, dans le cadre de la régionalisation, la PME/PMI aura un rôle économique moteur.
La mise en place, au niveau des régions, des conditions favorables au développement des affaires et à l’amélioration du partenariat entre les collectivités locales, l’administration publique et le secteur productif privé et public s’impose.
L’émergence de nouvelles instances citoyennes de concertation entre les acteurs économiques et sociaux au niveau régional est une nécessité pour l’efficacité de ce mode de gouvernance.
Ces instances visent à favoriser l’échange d’informations, d’expertises et l’adoption de mesures collectives ou de programmes communs en matière économique et à encourager la culture de se constituer en groupes d’entreprises.
Les limites des problématiques culturalistes et identitaires
Il s’agit d’une nouvelle relation contractuelle de partenariat entre les secteurs, public, privé et citoyen au niveau régional, qui servira de base à l’élaboration de plans régionaux d’investissement et de développement local.
Le tort des courants promoteurs de l’alternative de la régionalisation est celui de souvent négliger les questions socio-économiques dans leur argumentaire en faveur de cette option.
Cette attitude est dictée par le fait que les propositions des solutions régionalisées émergent essentiellement d’une réaction à une occultation d’une culture régionale et se développent assez souvent dans des mouvements culturalistes et identitaires.
Certes, la volonté de préserver sa propre identité et sa culture ancestrale est vitale pour pouvoir humaniser toute alternative politique et l’inscrire dans le sens du respect de l’être humain avant toute autre considération d’ordre matérialiste mais la prise en charge des questions sociales et économiques dans toute démarche politique en cette époque de « bazardisation » de l’économie demeure aussi une affaire d’humanisation de la dite démarche.
La solution de régionalisation est-elle viable pour assurer une vie sociale digne aux citoyens des régions qui la prônent ?
La réflexion autour de cette problématique nous permettra de dissiper certaines hésitations et réserves qui amènent principalement des courants de l’extrême gauche qui restent figés sur des options hautement centralisées pour garantir, disent-ils, le contrôle de l’État.
Ce que ces courants semblent ignorer ou faire semblant d’ignorer c’est le fait que même dans les solutions décentralisées, le rôle régulateur de l’État est garanti à travers des instances régionales qui ne seront en aucun cas dans un divorce total avec les instances de l’État central.
Une décentralisation dans le cadre d’un Etat national
D’un côté, l’inscription de ces démarches de décentralisation dans le cadre d’un Etat national est une garantie de la préservation de l’intégrité territoriale et de toute sorte de souveraineté, à commencer par celle économique. Ceci dit, le choix des grands axes économiques qui relèvent d’un positionnement par rapport aux différentes institutions monétaires internationales relèvent de la souveraineté de l’Etat national.
D’un autre côté, l’exploitation des segments économiques dans le cadre de la mise en valeur des richesses locales qui étaient jusqu’à-là négligées et parfois occultées par le régionalisme négatif qui gangrène des structures de l’Etat central garantira l’animation de l’économie locale. Ce qui assurera une création de richesses et de l’emploi qui permettront d’assurer le confort social nécessaire pour les populations locales.
A travers sa position de proximité et de visibilité, la démocratie locale ne peut construire ses institutions régionales que dans le respect et la prise en charge effective des questions sociales. Le dépassement des problèmes émotionnels avec le règlement des questions d’identité, de langue et de culture au niveau régional permettra aux instances législatives et exécutives de la région de se pencher sur les questions plus pratiques du social et de l’économie.
La démocratie locale
Avec la régionalisation, les collectivités locales influent sur le quotidien des citoyens. Se pose alors la question de la démocratie locale, c’est-à-dire des rapports entre les citoyens, les élus locaux et le pouvoir central et plus largement celle de la démocratie de proximité qui vise à permettre une meilleure association des citoyens aux décisions locales.
Les länder Allemands sont un exemple édifiant dans le renforcement du principe de la démocratie participative et sociale. Ils permettent à leurs citoyens de s’engager politiquement dans leur environnement immédiat. La démocratie devient d’autant plus vivante que les citoyens, en particulier au niveau qui leur est familier, peuvent participer au processus politique à celui du développement économique aussi.
La gestion de la fiscalité locale par des institutions financières régionales permettra sa rationalisation et sa préservation de la bureaucratie de son passage au niveau des institutions financières centralisées. Ceci facilitera son réinvestissement dans des projets d’utilité publique et dans des industries régionales conçues et développées en fonction des particularités économiques, climatiques et géographiques de la région.
La gestion des fichiers de la sécurité sociale au niveau régional assurera l’efficacité et la rapidité dans le traitement des acquisitions des avantages sociaux des salariés et autres ayants droit.
La question sociale dans l’option de la régionalisation
Ces quelques illustrations ne sont que des exemples qui nous donnent la preuve que la socialisation de alternative de régionalisation est une chose possible pour ne pas dire qu’elle est déjà sociale de par sa proximité dans la gestion des affaires publiques.
Certes, les questions socio-économiques sont souvent évacuées dans la conception de ce genre de projet pour les raisons citées ci-dessus mais il suffit juste de recentrer le débat autour de cette alternative dans son véritable contexte et tenter de dépassionner l’aspect culturaliste pour comprendre que cette approche de proximité est une forme génératrice d’un État régional social irréversible.
La régionalisation apportera plus de démocratie économique ce qui va asseoir un nouveau type de développement conçu, orienté et contrôlé par et pour les travailleurs, les usagers et les citoyens locaux.
Cette maîtrise des affaires régionales suppose que les grands moyens de production et d’échange deviennent la propriété de la société locale. D’où une vie sociale confortable et paisible.
Moussa Naït Amara
Les intertitres sont de la Rédaction de Diasporadz.