L’historien Amar Mohand-Amer nous parle dans cet entretien à Diasporadz des premiers mois de l’indépendance du pays et de la crise de l’été 1962.
« La crise de 1962 n’est pas à l’origine de toutes nos défaillances », estime Amar Mohand-Amer qui dit ne pas croire au postulat « Nous avons pris un mauvais départ en 1962 ! ». Entretien
Bio express
Amar Mohand-Amer, docteur en histoire (Paris 7), est directeur de la Division « Socio-anthropologie de l’histoire et de la mémoire (HistMém) » et directeur-adjoint du comité de rédaction de la revue Insaniyat, au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle, CRASC, d’Oran.
Il travaille sur les processus de transition (1962), les trajectoires individuelles et de groupes, la violence en temps de guerre (colonisation), ainsi que sur les questions mémorielles.
Amar Mohand-Amer participe au Programme Professeurs invités de l’EHESS, sur proposition d’Alain Messaoudi (Université de Nantes, CRHIA) dans le cadre de la chaire de l’IISMM.
Entretien réalisé par B. B.
Diasporadz : Le 5 juillet 1962, l’Algérie a mis fin à 132 ans de domination coloniale. Vous dites, en substance dans votre ouvrage « La crise du FLN de l’été 1962 », que l’été 1962 a déteint sur l’ensemble des développements ultérieurs du pays. En quoi cet été est-il un moment clé dans le devenir du pays ?
Amar Mohand-Amer : Je ne pense pas avoir utilisé cette formulation dans l’ouvrage, dans la mesure où j’estime que, contrairement à ce qui est intériorisé dans la doxa ambiante, la crise de 1962 n’est pas à l’origine de toutes nos défaillances.
En plus clair, je ne crois pas au postulat « Nous avons pris un mauvais départ en 1962 ! ». Je m’explique : la crise de 1962 est le résultat logique et objectif de l’évolution du FLN, qui se transforme de front de résistance et de lutte contre le colonialisme français à une organisation appelée à diriger l’Algérie indépendante, suite aux accords d’Évian.
On part ainsi d’une logique de confrontation politique et armée à celle de l’indépendance nationale. In fine, les objectifs du côté algérien sont atteints : recouvrement de la souveraineté nationale, intégrité du territoire nationale, union du peuple algérien.
La crise de 1962 a été plus une question de distribution ou de partage de pouvoir ou comme le dit Mohammed Harbi de « guerre de succession » ou le pouvoir était à portée de main. Finalement, l’Assemblée constituante a été cooptée et la reconversion de l’ALN (Armée de libération nationale) en ANP (Armée nationale populaire) réalisée.
Ce qui se passera après répondra à d’autres logiques et considérations, sauf peut-être pour l’ANP où les alliances contractées en 1962 trouveront leurs limites avec la tentative avortée du putsch du colonel Tahar Zbiri et ses partisans contre Houari Boumediene.
La crise de cet été 1962 aurait-elle pu être évitée ?
L’histoire-fiction n’existe pas. Cette crise est un résultat objectif de l’histoire du FLN, du mouvement national et de la nature intrinsèque de cette période de grande violence. On ne sort pas indemne de 132 ans de colonialisme et d’une guerre de 7 ans et demie.
Les nombreux basculements en 1962, l’émergence de nouveaux acteurs, la marginalisation des institutions qui ont géré le processus des négociations avec les Français tel que le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), les alliances et les dés-alliances, et d’autres facteurs ont créé des situations nouvelles, que personne ne pouvait prévoir. C’est cette complexité qui rend cette crise objective.
Des pays tels que la France, l’Egypte, le Maroc n’ont-ils pas joué un quelconque rôle dans cette crise ?
Il faudrait rajouter la Tunisie de Habib Bourguiba qui s’est ingérée directement dans les affaires du FLN et du pays par conséquent. Schématiquement, le Maroc en raison de ses prétentions territoriales, l’Égypte nassérienne dans la consolidation de son projet arabiste et de son extension, la Tunisie dans sa volonté de contrecarrer le projet nassérien dans la région, et enfin la France, qui reste, hyper-présente, politiquement et militairement, en cette période cruciale. Son ingérence était flagrante, primo pour préserver ses exorbitants avantages politiques, économiques et culturels et secundo rester un partenaire et un acteur majeur dans l’Algérie indépendante.
Malgré les grandes manœuvres politiques d’ici et là durant cet été, on a quand même évité la « congolisation » du pays. Qu’est-ce qui avait favorisé le retour au calme ?
Il y a de la violence fratricide, aux premiers jours de septembre 1962. La « congolisation » a été évitée car personne ne la souhaitait, ni les protagonistes de la crise ni la population, éprouvée par la guerre. Le slogan ou cri de Sabaâ snine barakat (7 ans ça suffit !) et les actions de la population pour empêcher les affrontements fratricides ont calmé les tensions et évité le pire.
Entretien réalisé par B. B.
sachez cher Monsieur l’historien que la biologie des comportements nous enseigne que la première cellule est déterminante sur tout le reste.
Le système anthroponymique algérien était, jusqu’à l’arrivée des Français en 1830, essentiellement oral et fondé sur la filiation lignagère. La fixation et l’immutabilité des noms de personnes sont le fait de l’administration coloniale et correspondent à l’institutionnalisation du mode patronymique et à l’instauration de l’état civil par la loi du 23 mars 1882. Les patronymes attribués aux Algériens, alors, constitue, pour moi, le plus grand crime commit par la france coloniale. Les attaques des tributs et des villages vivant en harmonie et se connaissant par filiation, inscrites sur des registres, (voir la recherche de OUMID « instituteur ayant exercé en france » qui a fait un travail colossal, resté non publiable du fait des années de sang que l’Algérie a subit) dans les zaouia et autres medersas, ont été totalement détruites et l’administration coloniale a excellé dans l’attribution des noms aux habitants, qui n’ont rien demandé. pour détruire la structure sociale. N’est-il pas le moment de faire quelque chose pour rétablir les noms historiques de nos familles. la recherche scientifique et l’ADN peuvent reconstituer l’Histoire des habitants de ce pays. Je pense que cela peut se faire et ainsi reconnaître le bon grain de l’vraie.