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Pour la reconnaissance des responsabilités de l’Etat dans le recours à la torture lors la guerre d’Algérie (document)

Pour la reconnaissance des responsabilités de l’État dans le recours à la torture lors la guerre d’Algérie

La torture a été largement pratiquée durant la Bataille d'Alger. Photo DR

Un ensemble d’organisations des droits de l’homme, antiracistes et anticolonialistes rend public ce lundi 4 mars une initiative « Pour la reconnaissance des responsabilités de l’Etat (français, Ndlr) dans le recours à la torture lors de la guerre d’Algérie ». 

Elles demandent la reconnaissance par l’Etat français de sa « responsabilité » dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie (1954-1962), un sujet ultra-sensible qu’elles appellent à « regarder en face », dans une démarche d’ « apaisement ». Document

Le recours à la torture reconnu, pourquoi demander de reconnaître la responsabilité de l’État ?

Engrenage de la violence et de la peur, il n’y a pas de guerre sans crimes de guerre et crimes contre l’humanité, mais comme l’a écrit Jean-Paul Sartre, en 1958, dans le cours des événements s’agissant de la torture : « si rien ne protège une nation contre elle-même, ni son passé, ni ses fidélités, ni ses propres lois, s’il suffit de quinze ans pour changer en bourreaux les victimes, c’est que l’occasion décide seule, selon l’occasion n’importe qui, n’importe quand, deviendra victime ou bourreau. »[1] 

C’est l’implacable réalité que la guerre d’Algérie confirme.

Contre le silence et le déni, s’engager dans la voie de la compréhension de l’engrenage répressif conduisant au recours à la torture, dont le viol est un instrument constitutif, n’est donc pas un acte de contrition, mais un acte de confiance dans les valeurs de la nation.

Il s’agit d’une initiative s’inscrivant dans les actions menées durant la guerre d’Algérie et depuis 1962, par les organisations présentes et d‘autres organisations, pour dénoncer le recours à la torture, comme système, luttes qui ont permis de sortir du déni.

– Par la reconnaissance, le 12 septembre 2018, par le Président de la République que « Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile, il reconnaît aussi que si sa mort est, en dernier ressort, le fait de quelques-uns, elle a néanmoins été rendue possible par un système, légalement institué : le “système arrestation-détention”, mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par la voie légale aux forces armées. » Puis par la reconnaissance, le 2 mars 2021, que Ali Boumendjel a, lui aussi, été « torturé et assassiné » par l’armée française.

– Et par le communiqué de l’Élysée du 18 octobre 2022 : « Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. »

C’est là, une reconnaissance d’une politique et de décisions prises dans le cadre des institutions de l’État, qui ont conduit à la violation du droit international humanitaire par la France lors de la guerre d’Algérie et de la décolonisation.

Mais cette reconnaissance ne répond pas aux interrogations de Pierre Vidal-Naquet qui demande en 1962 dans La Raison d’État : « Comment déterminer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé à son tour les citoyens ? »[2]

D’où la volonté de nos organisations de demander clairement la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans le cours des événements et dans l’État futur, donc aujourd’hui.

Associations signataires (février 2024)

[1] Jean-Paul Sartre, Une Victoire, Éditions de Midi, 1958, avec La Question d’Henri Alleg, La Cité Éditeur, 1958.

[2] Pierre Vidal-Naquet, La Raison d’État, Éditions de Minuit, 1962.

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