Réagissant aux dernières déclarations de son homologue français Emmanuel Macron qui évoquait l’éventualité d’envoi de troupes occidentales en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine estime qu’il s’agira d’ « une menace réelle » de guerre « nucléaire » et de « destruction de la civilisation ».
Vladimir Poutine a averti jeudi les Occidentaux contre une « menace réelle » de guerre « nucléaire » en cas d’escalade du conflit en Ukraine, dans son discours annuel à la Nation, grand-messe annuelle lors de laquelle il a défini les priorités pour la Russie.
D’un ton calme, sous les applaudissements très réguliers du public, il est revenu sur les propos polémiques de son homologue français Emmanuel Macron, qui a évoqué cette semaine l’éventualité de l’envoi de troupes occidentales en Ukraine.
« Ils (les Occidentaux) ont parlé de la possibilité d’envoyer en Ukraine des contingents militaires occidentaux (…) Mais les conséquences de ces interventions seraient vraiment plus tragiques », a-t-il déclaré, depuis le Gostiny Dvor, un palais des Congrès situé près de la place Rouge à Moscou.
« Ils doivent comprendre que, nous aussi, nous avons des armes capables d’atteindre des cibles sur leur territoire. Tout ce qu’ils inventent en ce moment, en plus d’effrayer le monde entier, est une menace réelle de conflit avec utilisation de l’arme nucléaire et donc de destruction de la civilisation », a poursuivi Vladimir Poutine.
Que valent les mises en garde de Poutine ?
Malgré la controverse suscitée par ses propos jusqu’aux alliés de la France, Emmanuel Macron a quant à lui assuré hier 29 février que chacun de ses mots sur l’Ukraine était « pesé » et « mesuré ».
Selon Héloïse Fayet, de l’Institut français des relations internationales, Vladimir Poutine vise surtout par le biais de ces nouvelles menaces nucléaires à dissuader l’opinion publique occidentale de soutenir la fourniture de davantage d’armes à l’Ukraine.
« On est dans un rapport dissuasif relativement équilibré et, pour l’instant, il n’y a pas de signes plus importants de risque d’emploi de l’arme nucléaire », juge-t-elle auprès de l’AFP.
Le président russe apparaît en tout cas en meilleure posture qu’il y a un an. L’armée ukrainienne a échoué dans sa contre-offensive déclenchée à l’été 2023 et se retrouve sur la défensive, manquant de munitions faute d’accord à Washington et du fait de la lenteur des livraisons européennes, face à des soldats russes plus nombreux et mieux armés.
Les militaires russes engagés en Ukraine « ne reculeront pas, n’échoueront pas, ne trahiront pas », a encore promis M. Poutine dans la conclusion de son discours suivie d’une écoute solennelle de l’hymne russe.
Dans son allocution, le maître du Kremlin a aussi vanté « la flexibilité et la résistance » de l’économie russe qui, malgré une pluie de sanctions occidentales, se maintient et s’est tournée vers l’Asie et l’effort de guerre.
Il s’en est aussi pris aux actuelles autorités américaines, les accusant de « vouloir montrer qu’elles dirigent le monde comme avant » et de faire de la « démagogie » avant l’élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis.
Selon M. Poutine, la Russie est néanmoins « prête à un dialogue » avec Washington sur les questions de « stabilité stratégique ».
Eloge des « valeurs traditionnelles »
Dans ses discours à la Nation, Vladimir Poutine fait traditionnellement le bilan de l’année écoulée et définit de nouvelles orientations stratégiques.
Jeudi, il a en particulier fixé un programme à remplir d’ici à 2030, année de la fin du prochain mandat présidentiel qu’il devrait décrocher à l’issue d’un scrutin sans opposition organisé du 15 au 17 mars.
Le chef de l’Etat russe a aussi, comme à son habitude, fait l’éloge des « valeurs traditionnelles » défendues par le Kremlin, assurant que la Russie en était l’un des « bastions » face à un Occident jugé dépravé.
« Une famille avec de nombreux enfants doit devenir la norme », a-t-il affirmé, alors que la Russie fait face depuis de longues années à de graves problèmes démographiques, renforcés par l’assaut en Ukraine et le départ à l’étranger de centaines de milliers de ses citoyens.
Après une première partie de discours consacrée à la situation internationale, il a fait de multiples promesses d’aides sociales, en particulier pour les anciens combattants et leur famille, et annoncé des investissements dans les infrastructures, l’éducation, le numérique et les nouvelles technologies, la culture ou encore la protection de l’environnement.
Sa prise de parole est intervenue à la veille des funérailles prévues à Moscou de son principal opposant, le militant anticorruption Alexeï Navalny, mort le 16 février en prison à l’âge 47 ans dans des circonstances obscures.
Vladimir Poutine, qui n’a jamais prononcé en public le nom de cet homme, n’a toujours pas commenté, y compris jeudi, son décès qui a choqué les puissances occidentales.
Avec AFP