Le football algérien vient de vivre une semaine charnière, marquée par un basculement symbolique. Tandis qu’Alger la capitale tremble, Constantine jubile.
Alors que le MC Alger et l’USM Alger, deux ténors du football algérois, tombent aux portes des quarts de finale sur la scène continentale, le CS Constantine, longtemps relégué aux marges du récit national, s’invite avec panache dans le cercle restreint des demi-finalistes de la Coupe de la CAF.
Alger, bastion éternel du football national, vit aujourd’hui dans la désillusion. À Bab El Oued, Soustara, Saint-Eugène ou la Casbah, les rêves d’épopée africaine se sont effondrés, comme des châteaux de sable balayés par une houle sud-africaine, froide et cynique. Le Mouloudia, fort de son héritage — et de surcroît premier club algérien couronné en Coupe d’Afrique —, portait l’ambition de décrocher une deuxième étoile continentale, près d’un demi-siècle après le sacre de 1976. Mais face aux Sud-Africains d’Orlando Pirates, il n’a pas su franchir l’obstacle. Dominateur mais inefficace, il s’est heurté à une défense solide… et à ses propres limites. Une possession vaine, une impuissance criante à forcer le verrou adverse. Encore une fois, les regrets l’emportent sur les intentions.
Les Oulad El Bahdja de l’USMA, forts de leur sacre lors de l’édition 2023 de la Coupe de la confédération africaine et de la Supercoupe de la même année, dirigés par le technicien brésilien Marcos Paqueta, ont fini par chuter dans un duel fratricide. Après avoir laissé entrevoir un léger avantage à l’aller malgré le score de parité (1-1), c’est au match retour, dans l’arène du 5 Juillet, que les Sanafirs du CSC ont fait parler leur sang-froid. Porté par un collectif valeureux, la lucidité tactique de Kheïreddine Madoui et une séance de tirs au but parfaitement maîtrisée, le club de l’antique Cirta a déjoué les pronostics. En silence, mais avec une force tranquille. Et derrière cette qualification historique, c’est tout un pan du football de l’Est algérien qui redresse la tête, longtemps tenu dans la lumière par un autre grand nom continental : l’ES Sétif, l’Aigle des Hauts-Plateaux.
Ce tournant sportif nous rappelle que le centre de gravité du football algérien est en pleine mutation. Lorsque les bastions algérois s’étiolent, ce sont les périphéries qui se réinventent. Constantine incarne cette vitalité neuve, cette volonté farouche de s’imposer, cette énergie que le poids du passé n’alourdit pas. C’est un football qui avance sans se mirer dans les reflets fanés de ses gloires anciennes.
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Du côté algérois, l’heure est à l’introspection. Le MCA, caracolant en tête du classement du championnat malgré deux matchs en retard, peut encore sauver sa saison, conserver son titre de champion et retrouver la scène africaine avec plus de maturité et de leçons tirées. La tâche sera rude, mais elle reste réalisable, à condition de se remettre dans le bain de la compétition et d’enchaîner les victoires. L’USMA, quant à elle, joue son va-tout en Coupe d’Algérie tout en gardant un œil sur le championnat et, pourquoi pas, sur le podium. Mais au-delà des résultats, c’est une philosophie entière qui doit évoluer. Le prestige ne marque plus de buts. La ferveur ne suffit plus. Le football d’aujourd’hui exige rigueur, fraîcheur tactique et un collectif soudé.
Le CSC, club phare de la ville des ponts suspendus, avance. Discrètement mais sûrement. Il incarne ce football algérien du mérite, celui qui bâtit sa propre légende à force de travail et de détermination. Et peut-être qu’au bout du chemin, c’est à Constantine que s’écrira une nouvelle page glorieuse et fière de l’histoire du football national. Le rêve est permis.
Hamid Banoune