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Sabrina Sebaihi « appelle à condamner le tweet xénophobe » des Républicains

La députée Sabrina Sebaihi "appelle à condamner le tweet xénophobe" des Républicains

La députée Sabrina Sebaihi interpelle ses collègues pour "condamner le tweet xénophobe" des Républicains. Photo DR


La députée des Hauts de Seine (Ecologistes-Nupes) Sabrina Sebaihi appelle ses collègues de l’Assemblée et tous les militants politiques à « condamner fermement le tweet xénophobe » des Républicains.

Dans cet entretien, Sabrina Sebaihi revient sur le signalement fait à la Procureure de la République du « tweet xénophobe » des Républicains qui incite à la haine contre les ressortissants algériens résidant en France.

Elle nous parle également du climat raciste et anti-algérien qui prédomine en France et de l’urgence de casser les tabous concernant la guerre d’Algérie et le passé colonial de la France.

Entretien réalisé par Kamel Lakhdar-Chaouche

Diasporadz : Le tweet insultant des Républicains contre les Algériens a été signalé à la Procureure de la République de Paris par trois députés de la Nupes dont vous faites partie. Pensez-vous que d’autres députés, personnalités ou cercles associatifs se joindront à votre initiative ?

Sabrina Sebaihi : Nous espérons évidemment que d’autres députés et personnalités se joindront à notre initiative, afin que le signalement gagne en visibilité médiatique, bien que le nombre de signataires ne soit pas garant de son traitement plus rapide ou efficace.

Tout du moins, j’appelle mes collègues à condamner fermement ce tweet ouvertement xénophobe, qui incite à la haine contre les ressortissants algériens résidant en France. On ne doit plus laisser passer ce genre de propos aujourd’hui.

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Pourquoi cet appel des Républicains aux « ratonnades » contre les Algériens et ce timing bien précis ? L’approche des élections européennes n’est-elle pas pour quelle chose ?

Sabrina Sebaihi : Les Républicains se lancent dans une course effrénée vers leur droite. Ils pensent convaincre des électeurs supplémentaires en reprenant la rhétorique d’extrême-droite.

Au-delà de la portée xénophobe de ces propos, ce n’est pas un hasard si c’est à nouveau la communauté algérienne qui est visée. Ils cherchent à faire du pied aux nostalgiques de l’Algérie française, qui représentent une partie de leur électorat. Cette logique est absolument abjecte. On ne fait pas de politique au mépris de la vie des gens.

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Dans une précédente déclaration à Diasporadz, l’historien et coprésident de la Commission mixte franco-algérienne Histoire et Mémoire, Benjamin Stora a déclaré qu’« il existe en France différents groupes de pression, situés surtout à droite et à l’extrême-droite de l’échiquier politique, qui ne veulent pas d’une réconciliation mémorielle avec l’Algérie». Qu’en pensez-vous ?

Sabrina Sebaihi : Je suis totalement en accord avec Benjamin Stora sur ce sujet. Ce tweet des Républicains illustre l’ampleur des discours xénophobes et racistes tenus par ces groupes de pression, qui ne doit pas être sous-estimée.

Pire, en visibilisant leur rhétorique, le parti essaye de la rendre légitime dans le débat public. La question mémorielle est évidemment au cœur des enjeux avec l’Algérie et fait l’objet d’instrumentalisations insupportables qui nourrissent la méconnaissance du sujet en France.

Encore récemment, la mairie de Toul a annoncé qu’elle érigerait le 18 juin une statue en bronze de deux mètres de haut pour honorer le général Bigeard, artisan du système de torture institutionnalisé pendant la guerre d’Algérie.

Ces tentatives de révisionnisme historique sont très révélatrices du climat de « nostalgérie » encore à l’œuvre, et du tabou qui entoure le passé colonial français.

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Quelles mesures préconisez-vous pour lutter contre les discours de haine et les propos racistes de la droite et de l’extrême droite contre les Algériens, constituant pourtant la plus grande communauté étrangère présente en France ?

Sabrina Sebaihi : Je pense que la lutte contre les discours racistes et de haine passe d’abord par une meilleure éducation sur ces sujets, sur les réalités de la colonisation française et de la guerre d’Algérie.

Le massacre du 17 octobre 1961, tout comme celui du métro de Charonne, les deux étant d’ailleurs souvent confondus, sont encore trop méconnus. Le meilleur moyen de réparer les mémoires antagonistes, c’est de créer un récit commun au plus près de l’Histoire.

Ce récit commence par une reconnaissance de la responsabilité de l’État dans les crimes coloniaux commis par le passé. Je pense aussi bien évidemment aux massacres de Sétif, Guelma et Kherrata du 8 mai 1945 qui n’ont à ce stade jamais été même reconnus officiellement.

Ce sont des sujets que je porte ici à l’Assemblée et qui me semblent d’une importance majeure. Le 28 mars dernier, l’Assemblée a voté une résolution dont j’étais à l’initiative pour reconnaître le massacre du 17 octobre et créer une journée de commémoration. J’ai ensuite déposé une proposition de loi visant à reconnaître ce massacre comme crime d’État.

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Je travaille aussi avec trois autres collègues à l’écriture d’une loi pour reconnaître les massacres de l’autre 8 mai. Au-delà de l’éducation, il faut aussi une condamnation plus ferme de la part de la sphère politico-médiatique des propos racistes à l’encontre des Algériens.

Mes collègues mobilisés et moi-même continuerons de signaler les propos appelant à la haine pour permettre que des sanctions judiciaires soient aussi prononcées.

Quel est votre point de vue sur l’état actuel des relations entre la France et l’Algérie ? Et quelles actions préconisez-vous pour renforcer la coopération et la compréhension mutuelle entre la France et l’Algérie ?

Sabrina Sebaihi : Le président Tebboune a confirmé qu’une visite officielle en France devrait avoir lieu fin septembre ou début octobre. Cette visite est très attendue : initialement prévue pour mai 2023, elle a été reportée à plusieurs reprises sur fond de tensions récurrentes entre les deux pays.

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Les relations sont donc difficiles, notamment parce que le sujet mémoriel reste un point de crispation. La liste des biens à restituer transmise à la France, parmi lesquels figurent plusieurs objets personnels de l’émir Abdelkader, illustre parfaitement la nécessité de construire une mémoire collective apaisée.

La commission mixte d’historiens algériens et français a formulé cette demande, ce qui prouve que les deux pays peuvent avancer ensemble sur le plan de l’histoire. Il faut maintenant que les décisions politiques suivent, c’est-à-dire que ces biens soient restitués.

K. L. C.

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