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Tahar Ibtatene, dit Tintin, et la Libération de Paris

Tahar Ibtatene, dit Tintin, a joué un rôle clé dans la Libération de Paris

Tahar Ibtatene, dit Tintin, a pris part activement à la Libération de Paris. Photo DR


Tahar Ibtatene appartenait aux Services secrets français qu’il rejoint dès 1940. En compagnie de quelques téméraires comme lui, dont Roger Warin, alias Wybot, fondateur et premier directeur en 1944 de la Direction de la Surveillance du Territoire (la DST), Tahar Ibtatene choisit le chemin du combat pour la Liberté face à l’occupant nazi. Ensemble, ils refusèrent la capitulation de la France face à l’ennemi.

Né à Ain-El–Hammam (ex-Michelet) en Algérie le 27 février 1909, Tahar arrive en Métropole en 1924, à l’âge de quinze ans. Il décède à Paris également en février, en l’an 2000.

En France, il connut les affres de la crise économique de 1924, la misère et le racisme ambiant des années 1930. Jeune homme travailleur et soucieux de réussir, il prit en main sa destinée avec beaucoup de courage. Fort de l’enseignement des Pères Blancs installés en Kabylie à la fin du XIXe siècle, il consolida son instruction à Saint-Ouen, dans la région parisienne. Il avait le niveau du certificat d’études primaire.

Tahar Ibtatene fait partie de celles et ceux qui ont œuvré intensément et héroïquement à la libération de Paris. A lamanœuvre dès le 17 aout 1944, car officiellement, la libération de Paris a commencé le 19 août 1944, pour se terminer le 25 août 1944, jour où la ville-Lumière fut libérée de quatre années d’occupation allemande par également la Division Leclerc.

Hitler souhaitait que Paris soit détruite, il dira à Dietrich von Choltitz, son général d’infanterie et gouverneur militaire allemand de Paris en août 1944 : « Paris ne doit pas tomber entre les mains de l’ennemi, ou alors que ce soit un champ de ruines ». Fort de ses 16 000 à 20 000 soldats, le général allemand comprit rapidement que la bataille de Paris serait difficile et très certainement perdue face à la résistance française, et à l’insurrection des Parisiens. Il ne mettra donc pas à exécution les ordres du Führer. Selon certains historiens, en désobéissant partiellement à Hitler, il choisit de négocier sa reddition et sa captivité par la suite.

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En effet, comme voulu par le Général de Gaulle, les Parisiens se sont libérés en s’appuyant tout d’abord sur les forces nationales en présence, et ce malgré l’insuffisance de moyens militaires et de munitions.

Dans l’attente de l’arrivée des Alliés et du renfort, les ouvriers parisiens ont commencé par organiser des grèves, les cheminots le 10 août, puis les ouvriers du métro parisien et les gendarmes le 13 août ; ensuite la police le 15 août, suivis le 16 août par les postiers. La grève générale éclate le 18 août. Le 19 août 1944, le drapeau tricolore est hissé à la Préfecture de Police de Paris.

Les policiers sont enfin enrôlés dans la Résistance et rejoignent les Forces Françaises de l’Intérieur, les FFI. Ces derniers, notamment les gaullistes, organisèrent le début l’insurrection nationale et la riposte à l’occupant allemand. C’est dans ce contexte que Tahar Ibtatene contribua à la Libération de Paris.

Entré dans la Résistance dès les premiers moments de la Guerre en 1940, au sein des services secrets rattachés à Londres, il mena des actions militaires et de renseignements de haute importance à Marseille, Toulouse, Lyon, Bordeaux, et notamment en zone occupée à Paris et sa région.

L’agent 99-497, ou Tintin – son pseudonyme dans la Résistance –  fut ensuite incorporé au sein du Bureau Central du Renseignement et Action, le fameux BCRA, en octobre 1943. Il a été sollicité pour rejoindre le célèbre réseau de la Résistance, le Réseau « Marco Polo » en qualité d’officier. Il a été contacté par ce réseau pour constituer des équipes de protection et de répression, dont il devient le responsable. A la Libération, il sera attaché de mission à l’Etat-Major de la Direction Générales des Etudes et Recherches, les Services secrets de la France Libre.

Les archives du Service Historique de la Défense et de la Résistance mentionnent à son sujet : « Pendant les journées d’insurrection nationale, cet agent a participé à des expéditions dans un corps franc des FFI du 9e arrondissement, sous les ordres du Capitaine Remy. A la suite de ces expéditions, ces corps francs ont ramené environ 400 colts, 30 mitrailleuses, 10 fusils mitrailleurs et 10 caisses de munitions, qui avaient été pris aux allemands. Ces expéditions ont eu lieu les 17, 18 et 19 août ».

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La difficulté principale du moment pour les résistants parisiens était résolument le manque d’armes. Agent permanent du BCRA, «Tintin» avait une parfaite connaissance de Paris, de ses atouts du moment et de ses insuffisances. Par ailleurs, il avait maille à partir avec la gestapo allemande mais également avec les milices dirigées par Henri Lafont. La bataille de Paris de Tintin était dirigée contre l’occupant allemand, contre les miliciens de la rue de Lauriston (la carlingue) et leur chef collaborateur appartenant à la gestapo française qu’était Henri Lafont. Tintin surveillait ce dernier de très près depuis 1942.

Pendant la Libération, Tintin dirigea une équipe FFI. Sur l’ampliation de la citation à l’ordre du régiment et comportant la croix de guerre 1939/1945 avec étoile de bronze, nous lisons entre autres, et à nouveau « Pendant l’Insurrection nationale, a pris aux allemands deux camions d’armes qui ont servi à armer le 9e Tr » (voir image ci-dessus).

Aujourd’hui au 80e anniversaire de la libération de Paris, l’évocation de la contribution et de l’engagement, voire à certains moments décisifs, de Tahar Ibtatene est impérative. Il reste, malheureusement parmi ces héros, aujourd’hui encore oublié par l’histoire et par le récit national. Il a pourtant tout donné, tout sacrifié et pris les risques les plus périlleux pourque nous soyons aujourd’hui libres, pour que Paris soit libérée par les siens, les Parisiens.

Après avoir contribué à libérer Paris et la France, ce gaulliste de la première heure épris de justice et de liberté se mettra ensuite au service de la Révolution algérienne à partir de 1954, un autre combat qu’il mènera depuis Paris au sein de la Fédération de France du Front de Libération Nationale Algérien (le FLN), la libération de son pays natal, l’Algérie.

LYAZID BENHAMI

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