samedi, 23 novembre 2024
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Torture lors de la Guerre d’Algérie : vers une reconnaissance des responsabilités de l’Etat français ?

L’Appel du 1er septembre 2022 de l’Association Contre le Colonialisme, aujourd’hui l’ACCA, pour la reconnaissance des responsabilités de l’Etat français dans le recours à la torture lors de la Guerre d’Algérie, semble porter ses fruits.

Par le Communiqué de la Présidence de la République du 18 octobre 2022, jour hommage aux combattants de la Guerre d’Algérie, le chef de l’Etat français Emmanuel Macron, reconnait l’usage de la torture pendant cette guerre.

« Nous reconnaissons avec lucidité que dans cette guerre il en est qui, mandatés par le gouvernement pour la gagner à tout prix, se sont placés hors la République. Cette minorité de combattants a répandu la terreur, perpétré la torture, envers et contre toutes les valeurs d’une République fondée sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. », écrivait Emmanuel Macron.

Cette déclaration est une suite logique de la politique des petits pas engagée par le président sur le dossier houleux franco-algérien de la mémoire depuis son élection à la tête de l’Etat. Mais est-ce suffisant au regard de la réalité et des faits historiques pendant la colonisation et de l’accommodation de la torture, voire de sa mise en œuvre par les plus hautes autorités de l’époque ?

Le fait de reconnaitre l’existence de la torture est-il pour autant suffisant et instructif pour les générations à l’avenir ? Aller vers la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat de l’usage de la torture semble être la meilleure voie pour qu’aujourd’hui et demain les institutions comprennent les engrenages des responsabilités et déterminer les chaines de décisions qui ont permis son existence par le passé, pour en éviter sa pratique dans le futur.

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L’utilisation de la torture est bien documentée et relatée dans un dossier « Sources de convictions », établi par l’ACCA sur la base des nombreux témoignages d’appelés de l’armée française lors de la Guerre d’Algérie et des victimes elles-mêmes dévoilés entre 1954 et 1962, dans le cours même de la guerre. L’ACCA met à la disposition du public ce dossier sur son site.

Le 4 mars 2024, un collectif d’associations et d’ONG a tenu une conférence de presse, symboliquement au siège de la Ligue des Droits de l’Homme à Paris, pour demander la reconnaissance des responsabilités de l’Etat français dans le recours de la torture lors de la guerre d’Algérie.

Le président de l’ACCA, Nils Andersson, a déclaré lors de la conférence de presse que « la torture a été enseignée et théorisée dans les académies militaires françaises et reconnaitre les responsabilités de l’État, c’est non seulement regarder l’Histoire en face, mais également créer les conditions que les institutions ne puissent plus y avoir recours dans le futur ».

Cette initiative collective n’a pas pour but de remettre en cause la loi d’amnistie de 1968 relative aux méfaits de guerre et différentes exactions commis pendant ce conflit, mais de les éviter à l’avenir !

Un long chemin

De sa dénonciation par Henri Alleg dans son livre «La Question» qui fut interdit en France en 1958 et édité les jours suivants à Lausanne par les Editions de la Cité sous la direction de Nils Andersson, jusqu’à l’Appel des Douze en l’an deux mille, il aura fallu plus de 60 ans pour que la « question » liée à la torture durant la guerre d’Algérie soit évoquée et reconnue officiellement.

Entre 1954 et 1962, des témoins, des acteurs, se sont adressés parfois publiquement au gouvernement. Ils ont alerté et dénoncé la torture en cours en Algérie et en France. Ce furent les déclarations sérieuses et de valeurs de suppliciés (Djamila Bouhired et Henri Alleg), mais aussi de journalistes (Claude Bourdet et Pierre Barrat), d’intellectuels (François Mauriac et Jean-Paul Sartre), de rappelés (Robert Bonnaud et Stanislas Hutin), d’éditeurs (Jérôme Lindon et François Maspero), d’avocats (Pierre Braun et Jean-Jacques de Félice), de hauts fonctionnaires (Paul Teitgen et Germaine Tillion), de militaires (Jacques Pâris de la Bollardière).

Ils ont unanimement fait l’objet de poursuites, d’inculpations ou de condamnations, alors que les tortionnaires étaient promus et décorés.

Enfin un mot imprégné à la guerre d’Algérie, celui de torture. Jean-Paul Sartre évoque, dans « Une Victoire », celle d’Henri Alleg sur ses tortionnaires, relatée dans «La Question» : « On n’humanisera pas la guerre d’Algérie. La torture… est au cœur du conflit et c’est elle, peut-être, qui en exprime la vérité la plus profonde ».

Lyazid Benhami 1

  1. Lyazid Benhami est l’auteur du livre : Tahar Ibtatene dit Tintin, héros de la Résistance (1940-1945) et de la Guerre d’Algérie (1954-1962), chez L’Harmattan.  ↩︎
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