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Zoubida Assoul : « Les conditions pour la tenue d’une élection n’ont jamais été réunies en Algérie »

Zoubida Assoul : «Les conditions pour la tenue d'une élection n’ont jamais été réunies en Algérie»

Zoubida Assoul est candidate à l'élection présidentielle du 7 septembre. Photo DR

La présidente du parti l’Union pour le changement et le progrès (UCP), Mme Zoubida Assoul, revient dans cet entretien à Diasporadz sur la situation politique du pays, l’élection présidentielle anticipée et la visite d’Etat en France du président Abdelmadjid Tebboune prévue fin septembre, début octobre.

Outre l’élection présidentielle, l’ancienne magistrate Zoubida Assoul fait le point aussi sur sa candidature, la situation des droits de l’homme en Algérie, la place et le rôle de la diaspora algérienne pour le bien de l’Algérie.

Entretien réalisé par Kamel Lakhdar Chaouche

Diasporadz : Quelle lecture faites-vous de l’annonce du président Abdelmadjid Tebboune de la tenue d’une présidentielle anticipée le 7 septembre 2024 ? Ne considérez-vous pas qu’il s’agirait plutôt d’un avancement de la date de la présidentielle ?

Zoubida Assoul : Effectivement, nous considérons cette décision comme une « élection avancée » plutôt qu’une élection anticipée. La Constitution ne prévoit pas explicitement la possibilité d’avancer les élections de trois mois, mais elle autorise dans son article 91 alinéa 11 que le président puisse organiser des élections anticipées dans certaines circonstances.

Zoubida Assoul : «Le peuple algérien n’est-il pas en droit de connaître les véritables raisons de cette décision ?» 

L’esprit de cet article est que le président ne puisse pas terminer son mandat pour des raisons personnelles comme l’état de santé ou une crise politique majeure. Politiquement, le chef de l’État est élu pour un mandat quinquennal sauf en cas de démission ou pour un empêchement. Le chef de l’État à travers sa dernière rencontre avec la presse a déclaré que les raisons étaient plutôt d’ordres techniques, ce qui en soit, n’est pas prévu par la Constitution.

Le peuple algérien n’est-il pas en droit de connaître les véritables raisons de cette décision ? Avancer la date des élections devrait normalement s’accompagner d’un discours à la nation afin d’en exposer les motifs et le bien-fondé de la décision.

D’autre part, annoncer cela, juste une heure avant la rupture du jeûne pendant le ramadan, sans aucune allocution au préalable, ni aucune information, ne pourra pas rassurer les citoyens ni nos partenaires étrangers.

À quoi peut faire référence l’APS en parlant des « nouveaux colonialismes » et des « menaces extérieures » ?

Même si je ne suis pas habitué à commenter les articles de l’APS, qui est simplement une agence de presse publique, je dois souligner qu’elle ne peut en aucun cas remplacer les institutions politiques, et encore moins agir en tant que leur porte-parole.

Zoubida Assoul : «La situation des droits de l’Homme reste catastrophique»

Le Président de la République, en tant que responsable de la politique étrangère du pays, doit avoir une vision claire et proactive des bouleversements géopolitiques, tout en restant fidèle à la doctrine qui a prévalu jusqu’à récemment. Celle-ci repose sur le maintien des bonnes relations basées sur le respect mutuel, la coopération stratégique et la solidarité. Dans le cas contraire, on ne peut s’attendre qu’à voir venir un certain nombre de crises.

La situation des droits de l’Homme reste catastrophique, le nombre de détenus tourne toujours autour de 300, parmi eux des journalistes, des hommes politiques et des citoyens qui ont juste exprimé une opinion.

Pensez-vous que les conditions soient réunies pour la tenue d’une présidentielle libre et démocratique et qu’en est-il pour vous, souhaitez-vous maintenir votre candidature?

Les conditions pour la tenue d’une élection n’ont jamais été réunies en Algérie en raison de l’absence de volonté politique. Une fois que cette information est admise par tous, il est indéniable que le boycott n’a fait que renforcer le système en place sans améliorer l’état des droits et des libertés des citoyens, ni même leurs conditions de vie.

Dans ce cas, n’est-il pas temps de créer nous-mêmes les conditions de la tenue d’une présidentielle libre ? En ce qui me concerne, j’ai pris mes responsabilités, aux citoyens de faire de même.

Comment peut-on expliquer la confirmation du président Abdelmadjid Tebboune de se rendre officiellement en France en visite d’Etat fin septembre, début octobre 2024, tout en sachant que l’élection présidentielle devrait se dérouler le 7 septembre 2024 ?

Avec une telle déclaration, il se place encore une fois, en juge et parti. Il jette le discrédit sur l’ensemble des institutions qui sont censées organiser, contrôler et valider les résultats définitifs du prochain scrutin. Il semble affirmer ainsi, qu’il sera non seulement candidat mais également assuré du résultat puisqu’il déroule déjà le programme pour la période 2026-2027.  

L’image de l’Algérie et la crédibilité de ses institutions ne semblent aucunement préoccuper le chef d’État. C’est une violation manifeste du devoir de réserve que doit observer n’importe quel chef d’Etat combien même il souhaiterait se représenter à sa propre succession.

La Constitution, la loi électorale mais aussi la responsabilité politique interdisant à qui que ce soit même au chef d’Etat d’annoncer sa victoire avant même d’avoir annoncé sa candidature et avant d’avoir convoqué le corps électoral. Il met à mal la Cour constitutionnelle, la justice qui est censée se prononcer sur les recours éventuels des autres candidats.

L’annonce de sa visite en France, il l’avait déjà annoncée avant de décider de rapprocher la date du scrutin de 3 mois. Il a asséné un coup dur aux institutions du pays et un grand mépris vis-à-vis du peuple. En résumé, c’est un déni de justice.

Quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique en Algérie et que pense l’avocate Zoubida Assoul de la situation des droits de l’homme ?

L’Algérie connaît, ces dernières années, une régression sans précédent aux niveaux des droits et des libertés individuelles et collectives. Les espaces publics, médiatiques, politiques, associatifs et syndicaux ont été réduits à leurs simples expressions.

Bien que la Constitution de 2020 ait consacré tout un chapitre à ce sujet, hélas l’instrumentalisation excessive de la justice a installé durablement un climat de peur et d’appréhension dans notre pays.

Quel rôle peut jouer la diaspora algérienne ?

Je l’ai toujours acclamé, le changement viendra de tous les Algériennes et Algériens où qu’ils se trouvent. La diaspora peut se réunir, peut adapter les innovations et les avancées technologiques. Elle est un levier de soft power.

Maintenant, le défi majeur pour notre diaspora est de se constituer en force d’actions pérennes. Elle a toujours été au rendez-vous lors des événements majeurs de notre pays, notamment pendant la Guerre de Libération, le mouvement pacifique du Hirak, mais aussi durant la pandémie du Covid-19.

Qu’aura à proposer la candidate madame Zoubida Assoul à la diaspora algérienne ?

Je porte un projet inclusif qui concerne l’ensemble des Algériennes et des Algériens sans distinction ni discrimination. L’Algérie a besoin, plus que jamais, de tous ses enfants pour se développer et bâtir un État de droit, une économie prospère et une jeunesse épanouie.

K. L. C.

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