dimanche, 19 mai 2024
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France – Chine : les relations diplomatiques à l’épreuve du nouvel ordre mondial

  • Les 60 ans de relations diplomatiques qui s’achèvent furent un cycle d’une coopération exceptionnelle entre la France et la Chine dans plusieurs domaines.
  • Le pragmatisme conjugué à la realpolitik qu’inspire le nouvel ordre mondial inciterait la France et la Chine à consolider leurs relations diplomatiques et leur collaboration.

Soixante années se sont écoulées depuis l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. En ayant reconnu la République populaire de Chine le 27 janvier 1964, le Général de Gaulle convient de l’importance d’une relation stratégique avec la Chine qui disposait d’un important encrage international à cette époque, notamment au sein des pays du Tiers-Monde.

Le contexte des décolonisations et du non-alignement a favorisé le rapprochement. Une majorité des pays du Tiers-Monde refusait de se positionner en faveur de l’URSS et des Etats-Unis. La Chine de Mao Zedong et de Zhou En Lai et l’Inde de Nehru prirent la tête des pays non-alignés.

De retour au pouvoir en 1958, le Général de Gaulle prend des distances vis-à-vis de l’URSS et des Etats-Unis, et ce, à l’image de la République populaire de Chine de Mao Zedong. En 1954 la France se désengage de l’Indochine, mais entre de plain-pied en Afrique du Nord dans le bourbier de la Guerre d’Algérie. Entre temps, la Chine reconnaît le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) dès 1958.

Il a fallu plusieurs événements majeurs permettant ce rapprochement et cette reconnaissance de la Chine populaire par la France du Général de Gaulle en janvier 1964 : la rupture sino-soviétique en 1960 et la fin de la Guerre d’Algérie en 1962 qui de ce fait rend possible cette démarche diplomatique française.

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La relation franco-chinoise entre dès lors dans une autre dimension. En ayant été l’un ou le premier grand pays occidental à avoir reconnu la République populaire de Chine, tout en évitant et s’éloignant du sujet de Taiwan, la France devient aux yeux de la Chine un partenaire fiable, avec lequel une coopération stratégique et globale peut enfin s’envisager de manière sereine.

Le contexte du milieu des années 1960 était très particulier. Chaque nation fait de sa souveraineté nationale un point central et se détermine ainsi. Bien qu’hostile à l’URSS communiste pendant cette période de la guerre froide, la France s’éloigne également des USA, notamment à travers son désintérêt pour l’OTAN. Le 21 février 1966, la France quitte le commandement intégré de l’OTAN, ce qui lui permet davantage d’indépendance en matière de commandement militaire.

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France-Chine : la petite histoire des grandes relations diplomatiques

Restreindre la relation sino-française à 1964 est un raccourci. L’intérêt mutuel entre les deux nations remonte déjà à l’époque de la dynastie Song et à celle de Saint-Louis au XIIIe siècle.

Le 20 décembre 1248, le roi de France Saint-Louis reçut à Chypre deux envoyés du grand Khan Guyuk, petit-fils de l’empereur mongol Gengis Khan. Plus tard, vers le XVIIe siècle, le commerce de la soie et de la porcelaine et l’attrait pour les sciences et les arts encouragent Louis XIV, le Roi Soleil, et l’empereur Kangxi entre 1685 et 1698 à consolider leurs relations. Ils étaient réciproquement fascinés l’un pour l’autre. S’ensuit l’engouement des philosophes et des écrivains du siècle des Lumières pour la poésie et la philosophie chinoises.

Grâce aux correspondances privées des jésuites installés en Chine, et destinées généralement aux érudits et aux princes, les philosophes et intellectuels français du XVIIIe siècle se sont intéressés à cette Chine, décrite comme un havre de paix puissant et de bonne gouvernance, où la méritocratie grâce à l’éducation et à l’enseignement était facteur d’ascension social.

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Voltaire vouait une admiration au confucianisme. Il écrira : « Par quelle fatalité, honteuse peut-être pour les peuples occidentaux, faut-il aller au bout de l’Orient pour trouver un sage simple, sans faste, sans imposture, qui enseignait aux hommes à vivre heureux six cents ans avant notre ère vulgaire, dans un temps où tout le Septentrion ignorait l’usage des lettres et où les Grecs commençaient à peine à se distinguer par la sagesse ? Ce sage est Confucius, qui, étant législateur, ne voulut jamais tromper les hommes. Quelle plus belle règle de conduite a-t-on jamais donnée depuis lui dans la terre entière. »

Bien que le XIXe siècle apparaît comme celui de la discorde, le gouvernement de Napoléon III participe à la Seconde guerre de l’opium entre 1856 et 1860. Il semble que la Révolution chinoise de 1911 s’est également inspirée de la Révolution française, notamment par l’épisode de la Commune de Paris.

Montargis, cette ville proche de Paris, a été le berceau du Parti communiste chinois. Zhou Enlai, Deng Xiaoping, Cai Hesen, Chen Yi, en venant travailler en France, grâce aux programmes étude-travail mis en œuvre au début des années 1920 par la Chine, se sont intéressés aux théories marxistes et à la condition ouvrière en contact des syndicats français.

Aujourd’hui, bien des éléments rapprochent la France et la Chine. À la suite de la victoire sur l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux pays sont devenus membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-unies. Ils font parties du cercle fermé des puissances nucléaires et tous deux militent pour des instances internationales fortes et pour un dialogue dans le cadre d’un multilatéralisme constructif.

L’histoire recommande de consolider les acquis et les rapprochements d’hier. Le pragmatisme conjugué à la realpolitik qu’inspire le nouvel ordre mondial inciterait la France et la Chine à consolider leurs relations diplomatiques et leur collaboration.

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Les 60 ans de relations diplomatiques qui s’achèvent furent un cycle d’une coopération exceptionnelle en la France et la Chine dans plusieurs domaines. La coopération économique et scientifique dans le nucléaire, dans l’aéronautique et dans l’énergie a permis aux deux pays de se positionner comme des acteurs majeurs mondiaux et en pointe dans ces secteurs stratégiques.

S’ajoutent les secteurs de l’automobile, de la grande distribution qui trouvèrent un marché intérieur chinois en forte augmentation. Les entreprises françaises telles que Framatome, Areva, EDF, Safran, Airbus, Valéo, SEB, Décathlon, Michelin, ou bien Les Galeries Lafayette, l’Oréal, sont là pour témoigner du dynamisme du marché intérieur chinois. A l’heure de la transition énergétique et du développement durable, de nombreuses opportunités s’offrent aux entreprises françaises et chinoises.

Rencontres singulières entres des chefs d’Etat

Les rendez-vous historiques entre la Chine et la France témoignent aussi de rencontres singulières entre des hommes, entre des chefs d’Etat. En décidant du rapprochement diplomatique le 27 janvier 1964, Mao Zedong et Charles de Gaulle ont écrit la grande Histoire.

Lorsque Jacques Chirac et Jiang Zemin ont signé l’accord stratégique global en mai 1997, ils réaffirment leur volonté mutuelle d’inscrire dans la durée et dans l’amitié cette relation exceptionnelle sino-française.

Aujourd’hui, c’est encore un rendez-vous historique pour ces deux pays amis, c’est encore une rencontre entre deux personnes, entre deux chefs d’Etat. Les présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping vont accompagner ce nouveau cycle qui s’annonce pour les prochaines soixante années.

Beaucoup de défis s’imposent à cette relation diplomatique exceptionnelle entre la Chine et la France. Ces deux pays ont un destin commun, la promotion de la paix et du développement à travers le monde.

Ce qui n’est pas chose simple, mais pas impossible, à condition que chacun sorte de son pré-carré, la Chine du Sud global et la France du clan de l’Occident ; mais sans pour autant renier ses idéaux et son histoire. Le piège que la relation sino-française doit éviter, c’est celui de la confrontation de la nouvelle logique des blocs, au profit d’un dialogue soutenu et à la recherche des intérêts mutuels de long terme.  

Lyazid Benhami

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